Le roi d'argile (extraits traduits)
Dobromir Baïtchev
Le roi d'argile
roman, Sofia, Razvitié, 2018, 150 pages
extraits traduits par Marie Vrinat
Ce livre est dédié à ceux qui n'ont jamais quitté l'île de Persine.
Le 6 septembre 1944, l'Armée rouge entre dans le Royaume de Bulgarie. Le pays est occupé. Le gouvernement de marionnettes du Front de la Patrie prend le pouvoir par un coup d'État1.
Le 20 décembre de la même année est adopté un décret-loi sur les foyers de rééducation par le travail pour individus politiquement dangereux.
Des milliers de Bulgares sont privés de liberté sans avoir été jugés. La Sécurité d'État applique la « procédure rapide » pour permettre l'internement massif dans les camps sans enquête préalable. Ces TVO (foyers de rééducation par le travail2) sont des camps à régime spécifique, créés sur le modèle du GOULAG soviétique.
I
Vus de dos, les hommes semblaient se tenir par la main. Mais ils étaient seulement disposés en rang d'oignons, sans se toucher. C'était l'été de l'année 1949.
On entendit un ordre. Des décharges de Schmeisser retentirent. Une nuée d'oiseaux s'envola de la forêt, effrayée par les coups de feu. Les jambes des cinq hommes fléchirent presque en même temps. Ils s'effondrèrent dans la fosse fraîchement creusée sans émettre un seul son. Un nuage de fumée s'éleva, s'étendit rapidement au-dessus des corps, dans la fosse. Quelques hommes étaient encore en vie – ils baignaient dans leur sang et gémissaient doucement.
Tandis que le major descendait dans la fosse, la terre s'effritait sous ses bottes si bien lustrées qu'elles miroitaient. Arrivé en bas, il enjamba avec affectation les corps déformés tout recroquevillés. Il choisissait avec précaution où mettre les pieds pour ne pas se tacher de sang. Il tira méthodiquement avec son pistolet en visant la tête de tous ceux qui donnaient encore signe de vie.
Lorsqu'il eut terminé, le civil de la SE3, qui avait assisté à l'exécution, lui tendit une main serviable :
– Camarade major.
Le civil le tira vers le haut. Le major épousseta son uniforme, enleva sa casquette à liseré bleu. Il coiffa avec un petit peigne ses cheveux collés par la sueur. Outre le civil, douze hommes en uniformes avec des casquettes bleues se tenaient aussi au bord de la fosse, serrant des Schmeisser ente leurs mains. Un filet de fumée s'échappait encore de leurs canons. À l'écart, sur le chemin de terre, était arrêté un camion poussiéreux, un GAZ-51, de ceux qu'on appelait des Molotovka, à cause de l'inscription en relief sur le pare-choc avant : « Usine automobile Molotov ». Derrière le camion était garée une jeep.
– Enterrez-les, ordonna le major.
Les hommes en uniformes saisirent les quelques pelles dispersées alentour et commencèrent à verser de la terre sur les corps. Le major observa un certain temps leurs gestes, impassible. Il s'éloigna en prenant garde que les épines et les broussailles ne s'accrochent pas au pantalon de son uniforme.
Quelques instants plus tard, il était sur le chemin, près de la jeep. Il sortit un paquet de cigarettes. En alluma une. Aspira avec délice la fumée dans ses poumons. On entendait, venant de la forêt, le bruit des pelles qui remplissaient la fosse de terre. Il regardait dans la direction opposée : des champs de blé à perte de vue. Çà et là, entre les étendues jaune foncé se détachaient les pièces brunes des champs déjà moissonnés. Quelque part au loin, dans la plaine, tournoyaient des corneilles. Il n'y avait pas âme qui vive alentour. L'air était étouffant.
Le major sortit une brosse et du cirage de la jeep et lustra ses bottes couvertes de poussière. Sur l'une d'elles, il vit de minuscules éclaboussures de sang. Il fit la grimace. Les frotta avec zèle.
Le civil s'approcha. Il tira de sa poche une petite gourde plate en métal argenté. Il la tendit au major mais ce dernier secoua la tête.
– Je ne bois pas.
Le civil but une gorgée à la gourde, le regard fixé sur les blés. Non loin de là se trouvait une étendue fauchée, sur laquelle étaient éparpillées des meules de foin.
– J'aime cette odeur, de foin fauché. Elle me rappelle mon enfance.
Le major ne lui répondit pas.
Dans la forêt, les hommes en uniforme continuaient de combler de terre la fosse. L'un d'eux, un jeune homme au teint basané, s'arrêta un instant pour essuyer son visage en sueur. Il avait chaud. Il enleva sa veste. Tout à coup, il perçut un mouvement du coin de l’œil. On entendit le tintement paisible d'un grelot. Il se retourna : une chèvre noire était sortie des buissons. La chèvre était là, immobile, elle ruminait et le regardait.
Près de la forêt, le major et le civil continuaient de regarder en direction des champs. Le soleil se cachait déjà à l'horizon. Le civil ôta sa casquette. Il la secoua en la frappant plusieurs fois contre son genou. Il tira un mouchoir amidonné et s'essuya le front. Des traces sales demeurèrent sur le mouchoir blanc. Il regarda le major d'un air las.
– On en a terminé pour aujourd'hui, n'est-ce pas ?
– Non, répondit le major. – Il nous en reste encore un à emmener.
– Pourquoi lui aussi on ne l'a pas... ? – Il n'acheva pas, de manière éloquente.
– Non. Il n'est pas pour ici. Ils le veulent à Sofia.
– Ils vont le soumettre à la question, rétorqua le civil avec un large sourire. – Autant dire qu'il est enterré lui aussi. J'ai un ami dans le Commissariat n° 4 de Sofia. Il raconte qu'ils les enferment dans les souterrains de la Maison des aveugles et les obligent à rester debout pendant quatre jours et quatre nuits, jusqu'à ce que...
– Ça ne me regarde pas, l'interrompit le major. – J'exécute les ordres.
– Tu auras besoin de combien de personnes pour l'arrestation ?
– Toi et un chauffeur, ça suffit. On ira avec la jeep seulement.
Le civil hocha la tête. Il lança un regard furtif au major qui termina sa cigarette et l'écrasa avec sa semelle. Ils gardèrent le silence. Le civil ne put s'empêcher de demander :
– C'est quoi ton impression ? Est-ce que les événements qui ont suivi le Neuf septembre se répètent ? C'est une nouvelle vague qui est en train de se pointer ?
Le major le regarda d'un air sceptique. Il secoua la tête.
– Certainement pas, dit-il. Pas avec cette ampleur. On a affaire, ici, à une petite purge. Si tu veux mon avis, histoire de faire plaisir aux camarades de Moscou.
Le civil eut un large sourire. C'est bien ce qu'il pensait. On entendit un bruissement provenant de la forêt. L'un des hommes en uniforme se fraya un chemin à travers les épines de christ et déboula devant eux.
– Camarade major ! On l'a attrapé en train de se cacher ! Il se cachait dans les broussailles...
Derrière lui venaient deux autres hommes qui traînaient un vieillard malingre. Le major vint à leur rencontre. Il examina le vieillard, les yeux plissés. Ce dernier regardait le major avec une terreur non dissimulée. Il avait vu la fusillade.
– N'aie pas peur, grand-père, dit le major. – Que fais-tu dans cette forêt ?
Le vieillard remua les lèvres. Il parla avec effort. Sa voix sortit, rauque.
– La chèvre, je l'ai emmenée au pâturage...
– Qu'est-ce que tu tiens ?
Le vieillard ne répondit pas. Il serrait dans une main un sac de toile. Le major fit un signe de tête à l'un des hommes en uniforme. Il tira le sac des mains du vieil homme et le secoua. Il en sortit quelques poires sauvages et un morceau de pain sec. Le major dispersa de sa botte les poires dans la poussière. Il s'approcha plus près du vieillard.
– Est-ce que tu as vu ce qu'on a fait dans la forêt ?
Le vieil homme évitait son regard, terrorisé.
– Je te demande si tu as vu ? insista le major.
– Je n'ai rien vu, M'sieur le lieutenant4. Les mots du vieillard semblaient être prononcés par un condamné à mort.
– « Camarade major » le corrigea le major.
– Je n'ai rien vu, camarade major, répéta le vieillard de manière à peine audible. On entendait dans le silence le raclement des femmes qui moissonnaient dans les hautes herbes. Le major le scrutait d'un air inquisiteur.
– Tu peux partir, dit-il enfin.
Le vieillard le regarda avec terreur. Il avait la lèvre qui tremblait.
– Va-t'en, ordonna le major. – Vas-y, sans te retourner.
Le vieil homme s'apprêta à dire quelque chose, mais il ne put se décider. Il hésita puis se mit à descendre, sur le chemin de terre. Il se traînait lentement, tout en tirant une jambe qui boitait. Le major cria derrière lui.
– Et sur ce que t'as pas vu : pas un mot, à personne !
Le vieillard continua à boiter sur le chemin poussiéreux. Le major, le civil et les trois hommes en uniformes demeuraient immobiles, le regardant s'éloigner. Le vieillard se traînait. Il hésita, puis s'enhardit.
– Camarade capitaine, est-ce que je peux ramener ma chèvre ? demanda-t-il sans se retourner. Dans sa peur, il ne se rendit même pas compte qu'il s'était trompé sur le grade du major. Il n'y eut pas de réponse. Il fit encore deux ou trois pas. Tout était très silencieux. Le vieillard s'arrêta – comme s'il sentait que quelque chose clochait. Il se retourna.
Le major le visait avec son pistolet. Le canon étincela, un coup de feu retentit.
[…]
3
[…]
Lorsque le Docteur ouvrit la porte d'entrée, le major était dehors et fumait. Il l'attendait, avec l'air tranquille de celui qui fait son travail. Il ne semblait pas plus menaçant qu'un employé municipal qui aurait fait un crochet pour déposer des documents nécessaires à la régulation d'une parcelle privée. Le Docteur remarqua aussitôt la jeep couverte de poussière : elle était garée un peu à l'écart pour ne pas attirer l'attention. Le civil et un chauffeur en uniforme étaient assis à l'intérieur et le regardaient. Deux enfants du voisinage en culotte courte examinaient avec envie la jeep sans oser s'en approcher.
– Docteur Aïranov, dit le major d'un ton sec, prenez votre pièce d'identité et un manteau et suivez-moi. J'ai reçu l'ordre de vous emmener à Sofia pour une vérification.
Le Docteur demeura bouche bée. Le major le regardait, impassible.
– Comment ça « pour une vérification » ? Ce soir, je suis de garde... Dans une heure, une heure vingt, je dois prendre mon tour pour la nuit.
Le major ne répondit pas.
– Vous ne le savez peut-être pas, poursuivit le docteur, mais je suis chirurgien à l'Hôpital départemental.
– Je sais, répondit le major. – Un collègue vous remplacera.
Le Docteur le regardait droit dans les yeux. Il savait qu'il devait dire quelque chose. Le silence se prolongea. Enfin, il demanda tout bas :
– Suis-je arrêté, camarade major ?
– Dépêchez-vous. Nous devons être à Sofia dès ce soir.
Lora apparut à la porte, toujours pieds nus. Elle n'essaya même pas de dissimuler la panique qui s'était emparée d'elle.
– Que se passe-t-il, vous l'arrêtez ?! Vous l'emmenez5 ?!
– Pour une vérification de routine seulement, répondit le major avec sang-froid. – Ne vous inquiétez pas. Nous vous le rendrons probablement demain après-midi.
[…]
7
[…]
Le commandant du camp, le major Lazov, était assis derrière la table massive de son bureau. Elle était d'un bois rougeoyant, ancienne mais sans éraflure. Dessus étaient rangés symétriquement : un téléphone, quelques feuilles de papier, deux flacons d'encre de couleurs différentes et un cendrier en cuivre au couvercle arrondi. Quant au bureau, il était spacieux. Ses murs inégaux étaient peints dans une nuance de jaune agréable et la haute fenêtre donnait sur le Site N°2. Juste sous la fenêtre, un noisetier avait poussé, touffu (ses branches touchaient le rebord écaillé, mais Lazov ne permettait pas qu'on les coupe). Sur le mur était accroché un portrait de Staline fortement retouché. Sur l'étagère de la bibliothèque bourrée de dossiers et de documents était posée une machine à écrire massive et couverte de poussière.
Devant Lazov était ouvert un numéro de La cause ouvrière6. Il soulignait certaines lignes de l'éditorial à l'encre rouge. Le solide poste de radio, près du mur – un modèle haut de gamme de la marque Telefunken d'avant la fin de la guerre, qui avait atterri dans le bureau du commandement du TVO « Béléné » par des voies impénétrables – émettait tout bas une marche militaire. On frappa à la porte.
– Entrez ! dit Lazov.
La porte s'ouvrit. Doulia poussa le Docteur à l'intérieur.
– Le voilà, camarade commandant, rapporta-t-il.
Lazov fit un signe de tête. Le Docteur était debout. Lazov n'était pas pressé de lui prêter attention. Il demanda enfin au sergent :
– Tu l'as fouillé ?
Doulia poussa le Docteur vers le mur.
– Déshabille-toi ! Plus vite que ça ! Plus vite !
Le Docteur ôta son uniforme usé et imprégné de sueur. Il resta avec ses sous-vêtements élimés. Doulia le fouilla pour vérifier s'il n'avait pas caché quelque chosesur lui, puis il fureta avec dégoût dans sa veste. Il déposa ce qu'il avait trouvé sur le bureau. Un morceau de pain noir et dur, les deux cigarettes, une petite photo de Lora aux extrémités dentelées et une petite boule enveloppée dans du papier. Lazov poussa de côté avec son stylo-plume le morceau de pain.
– Il faut croire qu'on vous nourrit bien puisque vous n'arrivez même pas à tout manger.
Son regard tomba sur la petite boule.
– C'est quoi, ça ?
– De l'argile, répondit le Docteur.
Lazov le regarda avec un certain étonnement, puis il déplia le papier sulfurisé. Dedans, il y avait un morceau d'argile jaune de la taille d'une petite pomme. Il la renifla, la pétrit entre ses doigts. L'argile était frais, encore meuble et gras.
– À quoi ça te sert ? demanda Lazov.
Le Docteur gardait le silence. Doulia ôta sa carabine et le frappa de toutes ses forces avec la crosse entre les omoplates. Le Docteur chancela et vint heurter le bord du bureau. Il se plia en deux. Lazov bondit de sa chaise.
– Va-t'en ! Hors d'ici !
Doulia le regardait, perplexe.
– C'est à toi que je parle, sergent Doulev !
Doulia sortit. Il referma la porte avec précaution. Lazov aida le Docteur à se relever. Il tira une chaise vers lui, le fit s'asseoir. Le Docteur avait une respiration sifflante. Le coup lui avait coupé le souffle.
– Tu veux fumer ? proposa le commandant. – Vas-y, tu ne me déranges pas.
Lazov lui tendit l'une des cigarettes et retourna à sa place. Il lui lança une allumette. Le Docteur scruta la boîte d'allumettes portant l'inscription Отечественны огонь7. Quelle stupidité, lui vint-il à l'esprit. Les bratouchki8 avaient nationalisé jusqu'au feu. Il alluma sa cigarette, aspira avec avidité. Remit l'allumette sur le bureau. Regarda le commandant.
– Je peux me rhabiller ?
Lazov hocha la tête. Il poussa la boule d'argile avec son stylo plume, comme si cela le dégoûtait de la toucher avec la main.
– Tu la tires d'où ? demanda-t-il.
– De la berge du Danube.
Lazov attendait une explication. Le Docteur évitait son regard. Il n'avait aucune envie de confier au commandant l'usage qu'il faisait de l'argile.
– Pour m'occuper. Je fais des figurines, dit-il enfin.
Lazov l'étudiait du regard. Il n'était pas pressé. Le Docteur commença à s'habiller. Le commandant reprit la conversation, prudent.
– Les deux hommes de ton groupe, les anarchistes Goran Tafrov et Tseno Popov. Ils ont parlé de s'enfuir.
Le Docteur enfilait ses vêtements. Il continuait à éviter le regard de Lazov.
– Comment ça, de s'enfuir, camarade commandant ? Où s'enfuiraient-ils, vous croyez qu'ils traverseraient le Danube à la nage...
Lazov eut un sourire à peine perceptible.
– C'est sûr qu'on se demande où. Ils se noieraient comme des rats à mi-chemin. Sans compter que les camarades, en Roumanie, les attendent avec « du pain et du sel9 »... Mais il en a été question. L'autre, le peinturluré à l'encre, Goran. Il a parlé de s'enfuir.
– Je n'ai rien entendu de tel, dit le Docteur, étonné lui-même de constater que ses mots sonnaient avec conviction.
– Allons donc. Mon indic qui ne fait même pas partie de votre petit groupe de copains l'a entendu, mais pas toi.
Le docteur se taisait.
– Mais bon, disons que, d'accord, t'as pas entendu, continua le commandant, magnanime. – La question c'est : à partir de maintenant, qu'est-ce que tu vas entendre.
Le Docteur le regarda mais ne dit rien. Il continua de s'habiller.
– Ici, tu jouis d'une considération particulière, Aïranov. Un homme intelligent, cultivé, un chirurgien. Les gens te font confiance. Même les « loquedus10 », aussi étonnant que ce soit. Tu peux entendre beaucoup de choses, suffit que tu le veuilles.
– Vous avez assez d'« antennes » dans le camp, vous n'avez pas besoin de moi.
Lazov secoua la tête.
– Assez, dis-tu. Je ne crois pas.
Le Docteur finit de s'habiller. Il s'assit. Tira une bouffée de sa cigarette. Lazov examinait la photo de Lora. Dans le coin inférieur de la photo se trouvait un petit tampon : « Atelier photo. - Les frères Freydman ». Lora avait été prise au moment où elle souriait de manière à peine perceptible. Elle regardait légèrement de côté, un béret coquettement penché sur ses cheveux. Sur la photo en noir et blanc, sa chevelure blonde paraissait châtain foncé. Le commandant trouva qu'elle ressemblait à une actrice d'Holywood, dans un film avec Humphrey Bogart qu'il avait vu des années auparavant au cinéma Capitole à Sofia, avant que celui-ci ne soit transformé en cinéma de syndicat.
- Mignonne, commenta Lazov. – Elle attire l’œil. Un petit air de catain, mais nous, c'est des comme ça qui nous attirent, n'est-ce-pas, Docteur ?
Le commandant eut un sourire jusqu'aux oreilles, attendant la réaction du Docteur. Il ne dit rien.
– Elle aussi, elle travaillait à l'hôpital ? demanda Lazov.
– Oui. Elle était... commença le Docteur, mais il se corrigea très vite. Elle est infirmière dans le service de chirurgie.
Lazov fit glisser la photo sur le bureau en direction du Docteur. Il la rangea.
– Il paraît que tu allais te marier avec elle, pas vrai ? Vous étiez déjà fiancés ?
– Oui, répondit le Docteur.
– Est-ce qu'elle n'est pas bien plus jeune que toi ?
– Si. De presque vingt ans, dit le Docteur.
Lazov émit un sifflement.
– Hé ben, et c'est quoi ta recette ? Vous, les chirurgiens, ça rigole pas !
Le Docteur ne répondit pas. Lazov sentit que le sujet « Lora » lui était désagréable, mais il n'avait nullement l'intention d'y renoncer. Il continua à l'interroger sur ses relations avec Lora, même s'il connaissait dans le moindre détail l'histoire récente du docteur Dimo Aïranov, ainsi que les circonstances de sa vie et de sa carrière. Il avait lu son dossier tant de fois qu'il l'avait presque appris par cœur. Il savait parfaitement que le Docteur était veuf : sa femme était morte de tuberculose en 1946, après avoir longuement traîné de sanatorium en sanatorium. Ils n'avaient pas d'enfants. Quant à Lora, il savait qu'elle était divorcée de son premier mari, ce qui était presque scandaleux et très rare pour l'époque. Malgré tout, le commandant le fit parler de l'infirmière. Le Docteur l'informa en quelques mots que le premier mariage de Lora avait été un échec.
– Un cœur d’artichaut, donc, résuma Lazov. – Ça ne te blesse pas qu'elle ne t'écrive pas ? Qu'elle ne vienne pas te rendre visite...
– Elle est venue, mais on ne m'a pas autorisé à la voir, répondit doucement le Docteur. Lazov se retint à grand peine de ne pas exploser. Il se maîtrisa au prix d'un visible effort.
– Ça, on va dire que je ne l'ai pas entendu, finit-il par lâcher d'un ton sifflant.
Le Docteur le regarda droit dans les yeux. Lazov lui sourit d'un air bonhomme.
– Voilà à quoi j'ai pensé, Docteur. Tu m'avais demandé qu'on crée une infirmerie sur le site N°2, n'est-ce-pas ?
Le Docteur hocha la tête, en se demandant où Lazov voulait en venir.
– Si maintenant tu acceptes de collaborer avec moi, je te promets d'équiper une infirmerie d'ici deux semaines. Ce ne sera pas grandiose, mais il y aura les médicaments de base, des bandages, de l'alcool, de la teinture d'iode, tout ce qu'il faut... Tu diras de quoi il y a besoin et je le fournirai. Je t'affecterai comme médecin du site N°2. Du nanan, finie la pioche, fini le brouet clair. Tu te nourriras convenablement, avec les adjudants-chefs. En un rien de temps, tu ressembleras à un être humain. Qu'est-ce que tu en dis ?
Le Docteur le regardait fixement.
* * *
Doulia escortait le Docteur devant lui dans le long couloir du commandement. Lazov marchait derrière eux.
– Tu as commis une erreur, Aïranov, prononça le commandant. – Je pense que tu ne raisonnes pas tout à fait clairement pour le moment. Réfléchis quatorze jours et on en reparlera.
Ils atteignirent la sortie. Lazov remit au Docteur la boule d'argile.
– Tiens. Comme ça, tu ne t'ennuieras pas.
Doulia poussa le Docteur. Le commandant les suivait du regard.
[…]
15
[…]
L'automobile avançait sur le chemin boueux vers l'intérieur de l'île. On apercevait à peine au loin les faibles lumières du commandement.
La GAZ-M1 noire était encore éloignée du portail du site N°2 lorsqu'on entendit le klaxon retentir avec insistance. Les deux gardes, déjà avertis de l'arrivée des Russes, sortirent, paniqués, de leur cabine et ouvrirent tout grand les vantaux grillagés.
Rozner regardait à travers les vitres sales. Les deux hommes, au garde-à-vous, exécutaient le salut militaire. En dépit de l'obscurité et de la pluie, il parvint à lire l'inscription sur l'arc du portail :
L'HOMME, CELA SONNE FIÈREMENT.
M. Gorki
Rozner eut un sourire en coin. L'automobile franchit le portail. À l'intérieur, il portait une autre inscription :
SI L'ENNEMI NE SE REND PAS, ON LE DÉTRUIT !
Dzerjinski.
– Tiens donc, fit remarquer Rozner. Ils ont attribué à Felix Edmundovitch11 une citation de Gorki.
Le colonel ne daigna pas lui répondre. Il tourna brusquement le volant. L'automobile décrivit un tournant en dérapant sur le sol boueux et s'arrêta devant le commandement. Tarkhov descendit sous la pluie, suivi de Rozner. Devant le commandement, les gardiens se tenaient en rang d'oignon et, bien droits, comme pour une parade, ils exécutèrent le salut militaire. Tarkhov se dirigea en courant vers l'entrée sans leur accorder d'attention. Rozner ouvrit le coffre de la voiture.
Lazov se tenait devant l'entrée du commandement, il porta docilement la main à son képi. Il salua Tarkhov en russe :
– Добро пожаловать, товарищ полковник!12
Tarkhov lui adressa un salut militaire désinvolte, pressé de s'abriter au sec. Avant d'entrer, il marmonna :
– Soyez gentil, veillez à ce qu'ils s'occupent des bagages là-bas.
– Doulev ! cria Lazov. – Qu'on apporte les bagages de la voiture !
Doulia fit un signe à quelques gardiens et il courut avec eux jusqu'à la voiture. Rozner était en train de s'affairer et sortait du coffre valises et havresacs. Les gardiens les portèrent vers le commandement. Rozner cria derrière eux :
– Doucement ! Dedans, il y a des appareils photo ! — Il fit claquer la porte du coffre et courut vers le commandement sous la pluie qui tombait à verse.
[…]
17
[...]
Dans le baraquement, il faisait sombre. On entendit des voix, venant de dehors, des ordres, le fracas de bottes. La porte s'ouvrit. Quelqu'un alluma la lumière. Deux lampes faibles et bourdonnantes qui pendaient du plafond éclairèrent l'ensemble de l'énorme baraquement d'une lumière jaune et trouble.
Les détenus étaient entassés sur des grabats à deux étages. Certains se retournaient dans leur sommeil, déliraient. L'eau de pluie s'écoulait du toit et gouttait sur le sol. Dans le « poêle », un simple bidon en fer blanc, un feu se consumait.
Une dizaine de gardiens armés de Schmeisser firent irruption dans le baraquement. Les ordres se mirent à pleuvoir :
– Debout ! Debout pour un contrôle, la racaille ! Debout, racailles !
Les gardiens donnaient des coups de pied dans le grabats. Les hommes se dressaient – ensommeillés, effrayés. Tarkhov entra dans le baraquement et marcha sur la trouée entre les deux rangées de grabats, suivi par deux hommes en uniforme armés de Schmeisser prêts à tirer. Le colonel tenait à la main l'assiette de nourriture. Lazov brailla à l'entrée du baraquement :
– Debout pour accueillir le colonel soviétique du NKVD !
– Ce n'est pas la peine, s'empressa de lever la main Tarkhov. – Restez couchés, salopards.
Ensuite, il corrigea Lazov :
– NKGB, camarade commandant. Maintenant, il porte le nom de NKGB, ou, si vous préférez, Narkomgosbez. Народный комиссариат государственной безопасности13.
Lazov bredouilla une excuse. C'est alors seulement que Rozner entra à son tour dans le baraquement, serrant à la main le Leica. Il étudia le local du regard et fit la grimace. La lumière, à l'intérieur, était insuffisante pour faire des photos.
Pendant ce temps, Tarkhov examinait les détenus ; Parmi eux se trouvaient le Docteur, Vassil et Tseno, l'un à côté de l'autre sur les grabats. Le Russe avança encore de quelques pas sur la trouée et salua solennellement :
–Salut, ennemis du pouvoir populaire !
Personne ne lui répondit.
Les détenus le regardaient de leurs grabats, abasourdis, sans comprendre. Le silence régnait. On entendait la pluie tomber, dehors. Doulia s'aperçut qu'un détenu dormait encore sur le grabat. Il le tira violemment de l'étage supérieur et le fit tomber par terre. L'homme jeta un regard circulaire, abasourdi.
–Qui parmi vous connaît une chanson sur Staline ? demanda Tarkhov d'une voix forte.
De nouveau, personne ne répondit. Tarkhov posa l'assiette par terre et ôta le couvercle. Les yeux des internés s'agrandirent à la vue de tant de nourriture : morceaux de porc, pommes de terre bouillies, restes de poulet rôti. Rozner s'approcha avec son appareil photo tout en réglant le diaphragme. Tarkhov eut un sourire affable.
– Eh bien ? Ne soyez pas timides, du courage. Qui connaît une chanson sur le camarade Staline ? Tous les détenus sans exception regardaient la nourriture. L'un d'eux – un homme grand et décharné, âgé de soixante ans, du nom de Grigor – surmonta sa peur et s'agita. Il descendit de son grabat. Tous le regardaient. Grigor s'avança.
Alors seulement Tarkhov s'aperçut que Rozner s'efforçait d'attirer son attention.
–Qu'y a-t-il, lieutenant ?
Rozner s'approcha et lui chuchota à l'oreille avec embarras :
–Il fait sombre, ici, camarade colonel. La lumière est trop faible compte tenu de l'exposition...
Tarkhov lui lança un regard furibond.
–Quoi ?! Tu te fiches de moi ?!
–Je n'ai pas apporté de flash, bafouillait Rozner, et je n'ai pas de pellicule assez sensible à la lumière dans mes bagages...
–Je m'en moque, je t'ordonne de prendre des photos ! rétorqua sèchement Tarkhov. Rozner ouvrit la bouche pour répliquer, mais, le colonel ajouta : « Je n'accepte aucune excuse » d'un ton si glacial qu'il y renonça et fit quelques pas en arrière.
Tarkhov lui jeta un regard féroce. Puis il se tourna vers Grigor et lui fit signe : « Allez, vas-y, chante ! »
Grigor hésita un instant. Il commença à chanter, mais d'une voix rauque, éraillée. Il déglutit. Tarkhov le regardait d'un air sombre. Grigor recommença depuis le début, cette fois de manière plus assurée. Il avait une belle voix et en outre chantait en un très bon russe.
От края до края, по горным вершинам,
Где вольный орел совершает полет,
О Сталине мудром, родном и любимом –
Прекрасную песню слагает народ.14
Grigor s'apprêta à poursuivre avec le deuxième couplet, mais Tarkhov applaudit avec enthousiasme.
– Молодец!15Tiens, mange.
Tarkhov déposa quelques bouts de viande dans l'assiette vide et la lui tendit. Grigor la prit d'une main tremblante sans oser manger.
– Mange, ne sois pas timide ! l'invita le Russe.
Grigor se retira à l'écart et, cachant de son corps l'assiette aux yeux des autres, il se mit à saisir à peines mains la viande et à la fourrer dans sa bouche comme un dément. Il mâchait à la hâte et s'empiffrait encore. Tarkhov jouit du spectacle pendant un certain temps, puis il se tourna vers les autres.
– Qui connaît encore une chanson sur Staline ?
Silence. On n'entendait que le bruit de mastication de Grigor. L'assiette avec le restant de nourriture captivait les regards des détenus. Vassil la regardait, comme hypnotisé. Il déglutit, s'agita. Le Docteur lui saisit le bras mais il était trop tard : Vassil bondit de son grabat d'un geste décidé.
– Moi, j'en connais une, camarade colonel ! dit-il en russe.
– Approche-toi, dit Tarkhov. – Bravo, un beau garçon !
Il toisa d'un air approbateur le corps fin de Vassil. Fit signe à Rozner de prendre des photos. Le lieutenant leva l'appareil, prêt à photographier.
Vassil se mit à chanter. Rozner commença à faire défiler les prises de vue, pleinement conscient que c'était inutile. Pour ne pas gaspiller vainement la pellicule, il faisait semblant de recharger après chaque « prise de vue », alors qu'en réalité il n'exposait qu'un seul et même segment de pellicule.
Pendant ce temps, Vassil chantait d'une voix tremblante :
Для нас открыты солнечные дали,
Горят огни победы над страной16...
Vassil buta. Tarkhov lui souffla :
– На радость...
Vassil reprit vite la chanson :
На радость нам живет товарищ Сталин,
Наш... – Tout à coup il bloqua et se tut. Il ne se rappelait pas la suite de la chanson.
– Наш... ? l'invita à continuer Tarkhov. Vassil le regardait, impuissant. Il ouvrait la bouche sans émettre de son. Soudain, Tarkhov fit un grand geste et le frappa avec l'assiette au visage. Vassil s'affaissa. L'assiette en fer blanc retentit sur le sol, la viande vola tout autour.
Horrifié, Rozner baissa l'appareil photo. Tarkhov, fou furieux, bourrait Vassil de coups de pied. Vassil geignait. Les détenus regardaient, épouvantés.
Tout en le frappant, Tarkhov acheva le couplet par saccades :
Наш мудрый... вождь, учитель... дорогой! – Hors d'haleine, il arrêta de lui donner des coups de pied. Vassil continua à se tordre par terre. Il y avait du sang sur son visage. Tarkhov scruta les détenus avec une haine infinie :
– Sale ramassis de fascistes !
Le Russe tourna les talons et sortit. À sa suite, Rozner, Lazov, et pour finir les gardiens quittèrent les lieux. Les détenus ne bougeaient pas.
Dès que le dernier gardien fut sorti, tous bondirent de leur grabat pour rassembler la nourriture éparpillée. Ce fut un beau tumulte. Ils poussaient, se cognaient, tâtaient le sol... Le Docteur bondit à son tour. Il écarta les hommes pour parvenir jusqu'à Vassil. Il lui souleva la tête.
– Vassé17 ? Tu m'entends, Vassé ?
Vassil ne put que gémir en réponse.
18
Après minuit, une longue barque motorisée traversa le bras du Danube qui séparait Persine d'une île plus petite. Elle transportait le commandant, les deux Russes, Doulia et un homme en uniforme qui la pilotait. Rozner se cramponnait au rebord.
* * *
Le baraquement des femmes était plongé dans la pénombre. Ça sentait l'essence et l'aigre. À l'une de ses extrémités se tenaient Tarkhov, Rozner, Lazov, Doulia et le gardien, les deux derniers portant des lanternes. Devant eux, une dizaine de détenues formaient un rang – squelettiques, sales, pitoyables. Les autres femmes étaient debout près de leur grabat et regardaient.
Tarkhov prit la lanterne des mains de Doulia et examina les femmes l'une après l'autre. Il les éclairait en plein visage, les jaugeait comme du bétail. Les femmes avaient l'air horriblement négligé. Elles regardaient Tarkhov avec frayeur.
– Et ça, ce sont les plus belles ? demanda-t-il, déçu. Il scruta Lazov. Lazov haussa les épaules – oui. Tarkhov continua de les examiner tout en chassant d'un geste nerveux les moustiques qui tournoyaient autour de la lanterne. Il s'arrêta devant l'une des femmes, Mania. Elle ne semblait pas apeurée. Elle était la seule à ne pas être décharnée, elle paraissait visiblement mieux nourrie que les autres. On remarquait ses formes arrondies même sous les vêtements de toile grossière avachis. Elle avait un visage large avec des lèvres pleines et sensuelles. Malgré son air négligé, on voyait qu'elle était – ou, du moins, qu'elle avait été – une belle femme.
– Tu veux venir avec moi ? lui demanda Tarkhov. – On va s'amuser mémorablement cette nuit.
Mania fit un signe de tête : oui.
– Tu n'es pas squelettique, poursuivit le Russe. – On te nourrit mieux ?
Elle ne dit rien, aussi Tarkhov répondit-il à sa propre question :
– On te nourrit mieux. Et pourquoi ?
Mania ne répondit pas. Elle regardait en direction de Lazov. Tarkhov croisa son regard et se retourna. Il eut un sourire désagréable.
– Camarade commandant ? Toi alors, vieux chien ! C'est ta favorite, pas vrai ?
Lazov, gêné, ne répondit pas. Il était mécontent que le colonel l'ait choisie, elle, précisément. Tarkhov tira Mania devant le rang.
– Celle-ci est prête. Elle vient avec moi. Maintenant, on va choisir de la compagnie pour Rozner. Hé, le photographe, tu préfères lesquelles ? Brunes, blondes ?
Rozner était visiblement mal à l'aise. Il ne savait que dire.
– Allez, dis ? insista Tarkhov. – Non, attends, je vais deviner. C'est moi qui vais te choisir une fille à t'en lécher les doigts.
Tarkhov inspecta les autres femmes de la rangée. Il s'arrêta devant une jeune fille moricaude aux yeux noirs. Elle était apeurée.
– Basanée, elle ressemble à une Caucasienne, déclara Tarkhov d'une voix forte. Puis il se tourna de nouveau vers elle : – Comment t'appelles-tu ?
– Katia, répondit-elle tout bas.
– Katia, merveilleux ! Dis-moi, Katka, est-ce qu'il te plaît, notre lieutenant ? Sympathique jeune homme, non ? Tu veux lui tenir compagnie ?
Katia avait le regard baissé, effrayée à mort.
– Regarde-le. Regarde-le, je t'ai dit ! – Il lui saisit le menton et lui tourna brutalement la tête dans la direction de Rozner. Elle le regarda furtivement. Tarkhov éclata de rire.
– Rozner, tu approuves, n'est-ce pas ?
Le sous-lieutenant cilla et remit en place ses lunettes, embarrassé. À côté de lui, Doulia le regardait avec un sourire moqueur. Rozner tenta de protester.
– Camarade colonel...
– Je sais, je sais, l'interrompit Tarkhov. – Elle est un peu trop squelettique à ton goût. J'ai deviné, n'est-ce pas ?
Rozner ne savait que dire, une fois de plus. Tarkhov ordonna à Katia :
– Déshabille-toi.
Elle frémit. Enleva de ses doigts tremblants sa veste sale. Les autres femmes, dans le baraquement, la regardaient avec compassion. Katia resta avec son maillot de corps usé, déchiré.
– Le maillot aussi, la Caucasienne, plus vite que ça !
Katia ôta son maillot de corps avec des mains tremblantes. Elle était prêt à pleurer d'humiliation. Elle avait un corps maigre, efflanqué, on pouvait compter ses côtes. Elle avait de petits seins dressés. Rozner détourna les yeux pour ne pas la regarder. Tarkhov eut un rire approbateur et s'adressa au sous-lieutenant :
– Эх ты, Рознер, тебе повезло! Сиськи как дикие груши!18
Rozner ne savait où se mettre tant il était gêné. Tarkhov poussa Katia devant la rangée de femmes, puis il frappa dans ses mains.
- C'est bon, donc ! Allons-y.
[…]
25
Aux alentours de minuit, le Site N°2 était silencieux. La pluie, qui avait faibli, bruissait sur le toit du commandement. Du Danube parvenait un grondement confus, à peine perceptible, comme si d'énormes blocs de glace se heurtaient dans les eaux du fleuve.
La radio était allumée, doucement. Rozner observait, à l'écart, la partie d'échec que jouaient Tarkhov et le Docteur. Tarkhov déplaça une pièce et regarda son adversaire d'un air interrogateur.
Le Docteur évitait son regard. Il réfléchissait à son coup, les yeux rivés sur le « plateau ». Enfin, il joua. Tarkhov s'en étonna. Il renâcla, bougea rapidement son fou. Le Docteur tendit le bras pour bouger une pièce...
– Нет! – s'écria Rozner. – Не ферзя, дурак! Так ты проиграешь!19
Le Docteur jeta un regard furtif à Rozner, puis à Tarkhov. Il scruta de nouveau le plateau. Déplaça une autre pièce. Tarkhov le regardait fixement. Tout à coup, il se leva et gifla violemment le Docteur.
– Tu te fiches de moi ? Tu fais semblant de mal jouer ! Tu vas me faire l'aumône ?!
Tarkhov était rouge de colère. Le Docteur le regarda, comme résigné. Il cherchait avec effort les mots russes pour lui répondre.
– Je vous ai prévenu, camarade colonel... je ne suis pas un joueur extraordinaire.
Rozner sourit, passablement ivre.
– Il joue vraiment mal, Egor Andréitch. Vrai-ment mal. Vrai-ment.
Rozner était tellement ivre qu'il ne se rendit même pas compte qu'il avait inversé les noms du colonel. Tarkhov ne réagit pas, peut-être ne l'avait-il pas remarqué. Il fixait sur le Docteur un regard mauvais. Pour finir, il dit d'un ton sifflant :
– А ну, пошел отсюда, мразь!20
Le Docteur se leva et sortit. Tarkhov le suivait du regard, furieux.
* * *
Le Docteur passa devant Katia toujours dressée contre le mur, affaiblie par cette longue posture debout. Leurs regards se croisèrent. Il vit à quel point elle était effrayée. Le Docteur la dépassa. Du bureau on entendit la voix autoritaire du Russe.
– Entre, la Caucasienne !
Le Docteur jeta un regard derrière son épaule. Il vit Katia s'avancer, paniquée, vers le bureau. Il continua à marcher vers la sortie. S'efforça de s'interdire de penser à la jeune fille. Il fit encore quelques pas en proie à une lutte intérieure.
Quelque chose de brûlant lui monta à la gorge. Sa bouche se remplit d'une salive acide. Il ressentit une étrange excitation de tous ses nerfs. Le Docteur se rendit compte qu'il était submergé par une bouffée d'adrénaline.
Il s'immobilisa. Sentit son cœur s'affoler. Il se retourna et se dirigea à pas rapides vers le bureau. Katia le vit. Elle s'arrêta devant la porte, ébahie. Le planton le remarqua également et s'écria :
– Aïranov !
Le Docteur l'entendit mais ne se retourna pas. Au contraire, il accéléra le pas en direction du bureau. Le planton accourut de l'autre bout du couloir tout en ôtant sa carabine de son épaule...
Le Docteur fit irruption dans le bureau. Il regardait Tarkhov droit dans les yeux. Il se mit à parler fébrilement, dans un mélange de bulgare et de russe.
– je vous prie de m'excuser, camarade colonel ! Vous aviez raison : je vous ai offensé. J'ai fait exprès de perdre.
Rozner se leva de sa chaise, stupéfait.
– Comment ose-tu parler ainsi au colonel, insolent ! Ouste, déguerpis !
Le Docteur ne lui accorda aucune attention. Il poursuivit, en regardant Tarkhov dans les yeux.
– Faisons une autre partie, cette fois-ci, une vraie. Ai-je votre parole d'officier que, si je gagne, vous laisserez partir la jeune fille ?
Rozner s'approcha du Docteur en le regardant comme s'il s'agissait d'une espèce animale rare. Il lui dit tout bas :
– Qu'est-ce qui te prend ? Tu as perdu la tête ? Je vais te fusiller pour ces mots...
Le colonel regardait fixement le Docteur, avec une expression étrange. Sur le pas de la porte apparut le planton qui fit le geste de frapper le Docteur avec la crosse de sa carabine. Tarkhov l'arrêta d'un geste. Puis il dit au Docteur :
– Ton audace est si déplacée, si désespérée qu'elle m'intrigue.
Il lui fit un signe de tête pour qu'il reprenne sa place.
– Dispose les pièces.
Le Docteur se dépêcha de s'asseoir et commença à placer les pièces sur le carton quadrillé. Tarkhov se leva et contourna le bureau. Il se pencha sur lui et lui dit à l'oreille :
– Tu veux une mise ? En voilà une. Si tu perds, tu vas au cachot pour un mois.
Le Docteur finit de placer les pièces. Il montra de la main au colonel que le jeu était prêt. Tarkhov s'assit en face de lui. Ils se regardèrent droit dans les yeux. Tarkhov commença la partie avec les blancs.
– Je peux avoir une cigarette ? demanda le Docteur.
Tarkhov le regarda. Rozner resta bouche-bée de stupéfaction.
– Rozner, il s'est totalement relâché, déclara le Russe avec un léger sourire. – Il s'est dit que maintenant, il avait les deux pieds à l'intérieur.
Rozner fut encore plus surpris en voyant le colonel donner une cigarette au Docteur et la lui allumer par-dessus le marché. Le Docteur tenait la cigarette avec des doigts tremblants. Il en tira une bouffée. Rozner vint se dresser près de lui.
– Renonce, imbécile. Tarkhov est un ancien champion aux concours régionaux d'échecs pour adolescents qui s'est classé « Grand maître de l'URSS » à l'époque. N'est-ce pas, camarade colonel ?
Tarkhov avait les yeux rivés sur le Docteur. Il confirma d'un léger signe de tête
– Tu renonces, Docteur, n'est-ce pas ? insista Rozner.
En guise de réponse, le Docteur exécuta son premier coup. Il regarda Tarkhov droit dans les yeux. Rozner se mit à faire les cent pas dans la pièce tout en bougonnant. Puis il s'affala dans le fauteuil.
[…]
44
Le jour pointait. Le fleuve, couvert de vapeurs qui se superposaient, rugissait du côté des racines dénudées des saules sur la berge de l'île.
Le champ, près de la digue, était désert, jonché d'outils laissés en plan et de tas de bois à flamber amassés çà et là. Les fosses formaient une tache noire, comme des tombes béantes.
Un cormoran apparut, venant du Danube et serrant dans ses serres un poisson. Il se posa sur la digue et de son bec dépeça le poisson encore vivant qui se tordait sur la terre dure, tassée. Un second cormoran apparut de quelque part et vint se poser. Les deux oiseaux se chicanèrent bruyamment pour le poisson. Leurs vociférations retentirent au-dessus du champ et des fosses.
Dans le baraquement, il faisait encore sombre. Une lumière trouble filtrait à grand peine à travers les fenêtres grillagées. Quelqu'un secoua sans ménagement le Docteur. Il se réveilla et reconnut dans la pénombre le sergent penché au-dessus de lui.
– Debout, Aïranov ! enjoignit Doulia. – Tu pars pour Sofia.
Le Docteur se leva, ensommeillé. Il ne comprenait pas ce qui se passait. Vassil s'était réveillé, à côté de lui, et, appuyé sur les coudes, il le regardait avec inquiétude. Il suivit des yeux le Docteur qui se dirigeait vers la porte avec le sergent. Vassil le regardait, le cœur serré : il était tout à coup envahi par le sentiment qu'il le voyait pour la dernière fois.
Le Docteur sortit du baraquement, suivi par Doulia qui remit avec soin la barre sur la porte derrière lui. Le Docteur était là, à attendre. Son souffle sortait de sa bouche comme de la fumée de cigarette dans le froid du matin. Il grelottait. Doulia lui lança un regard scrutateur. Le Docteur ne détourna pas le regard.
– Viens voir, dit enfin Doulia. – Passe derrière le baraquement.
Il lui montra qu'il devait se diriger vers la partie arrière du site N°2. Le Docteur s'y achemina docilement. Doulia marchait quelques pas derrière lui, le regard fixé sur sa nuque. Il sortit son pistolet. Le Docteur s'apprêtait à tourner derrière le baraquement. Quelqu'un s'écria :
– Doulev !
Doulia se figea.
Le Docteur s'arrêta. Doulia se dépêcha de ranger son pistolet dans son fourreau. Il se retourna. À une vingtaine de mètres se tenait Baltov. Il fumait une cigarette en le regardant.
– Tu l'emmènes où ? demanda le sergent-chef.
– On le mène jusqu'aux latrines, bafouilla Doulia. – Pour qu'il se soulage.
– Laisse tomber ! Mène-le au commandement, les Russes l'attendent.
- À vos ordres, camarade sergent-chef !
Doulia fit signe au Docteur de rebrousser chemin. Au moment où ils passaient devant Baltov, le Docteur le regarda dans les yeux. Baltov lui fit un signe de tête imperceptible. On est quitte.
45
Devant le commandement était garée la GAZ-M1 noire, lavée et astiquée. Près de l'automobile attendaient Tarkhov et Rozner qui tenait une capote grise à la main. Doulia conduisit le Docteur jusqu'à eux. Tarkhov et le Docteur échangèrent des regards. Le Docteur tremblait dans le froid matinal. Rozner lui remit la capote.
– Mettez ça.
Le Docteur enfila docilement la capote affublée d'épaulettes d'officier. Lazov sortit du commandement et se dressa sur les marches, près du planton. Le bandage de son oreille avait été remplacé par un nouveau, plus petit celui-ci. Il observait silencieusement les Russes et le Docteur. Tarkhov se tourna vers lui. Il lui adressa la parole d'un ton railleur et à voix haute.
– Vous me semblez soucieux, camarade commandant. Ne craigniez rien, je vous le rendrai intact d'ici ce soir.
Le commandant hésita, cherchant que répondre. Puis il dit, d'une voix qui manquait d'assurance :
– Il n'est pas conforme au règlement que je le laisse partir en dehors des limites du camp sans ordre écrit. Vous n'êtes pas sans le savoir.
– J'en prends la responsabilité, major. D'ailleurs si vous y tenez, appelez l'ambassade soviétique à Sofia. Ce sont eux qui le demandant, pas moi.
Lazov le regardait d'un air sombre. Le silence régnait. Pour finir, il déclara :
–Vous en prenez la responsabilité, camarade.
– Mais oui, mais oui, голубчик21, se hâta de répondre le colonel, conciliant. Puis il ajouta d'un air qui en disait long :
– J'en profiterai pour remettre à l'ambassade un rapport détaillé sur les conditions de vie et la manière dont est administré le camp de travail qui vous a été confié...
Lazov ne parvint pas à dissimuler sa peur.
– Qu'est-ce que... qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ?
Tarkhov eut un large sourire. Il exécuta le salut militaire. Prit place au volant de l'automobile.
Rozner poussa le Docteur.
– Montez donc, qu'attendez-vous.
Le Docteur s'assit sur la banquette arrière, Rozner à l'avant, près du colonel. La voiture démarra. Lazov, immobile, la suivait des yeux.
46
Quelques minutes plus tard, l'automobile franchit le pont flottant. Des halos de vapeur s'élevaient du fleuve.
Emmitouflé dans la capote, encore grelottant, le Docteur se retourna et regarda à travers la vitre arrière, comme pour faire ses adieux à l'île. Persine demeurait de plus en plus en arrière et se cacha bientôt dans la brume matinale.
À la sortie du pont flottant ils prirent du retard car un détachement de soldats en uniformes, venant du côté de la rive bulgare, amenait un groupe d'hommes : un nouveau lot de détenus, une vingtaine environ. Tarkhov dut les contraindre à dégager du pont flottant sur lequel ils venaient de mettre les pieds, pour que la voiture puisse sortir. Il appuya avec insistance sur le klaxon jusqu'à ce que les hommes en uniformes fassent revenir avec force cris et jurons les prisonniers sur la rive. Le colonel put conduire de nouveau la voiture qui déboucha sur la terre ferme et passa lentement le long des hommes. Le Docteur scruta avec angoisse leurs visages à travers sa vitre pour voir s'il avait pu en connaître un dans les camps précédents. Il ne reconnut personne.
L'un des hommes, cependant, fixait le Docteur d'un air étrange. Il avait le crâne rasé, le nez cassé. Son visage était enflé, couverts de bleus récents. Le Docteur eut vaguement l'impression de le connaître. Il était certain de l'avoir rencontré quelque part, mais à cause des œdèmes, l'homme était méconnaissable.
La GAZ-M1 noire les dépassa et s'éloigna sur le chemin qui longeait le fleuve. L'homme à la tête rasée le suivit du regard. Puis il sortit de sa poche un petit peigne et « coiffa » ses cheveux imaginaires.
* * *
Une heure plus tard, l'automobile roulait sur une route, loin du Danube. Tout en conduisant, Tarkhov regarda le Docteur dans le rétroviseur. Il était assis, en proie à la même incertitude. Près de lui, sur la banquette, se trouvait une valise écaillée.
– Où allons-nous ? demanda le Docteur en russe.
Tarkhov haussa les sourcils.
– Vous n'avez pas entendu ? Des camarades soviétiques veulent vous interroger.
Il y avait dans le ton de Tarkhov et dans la situation en général quelque chose de si absurde que le Docteur le sentit : c'était un mensonge. Il croisa le regard du colonel dans le rétroviseur. Sur le siège avant, Rozner sourit discrètement.
– Pourquoi ne pas dormir un peu, Docteur ? proposa Tarkhov. Jusqu'à Sofia, la route est longue. Je vous veux frais et dispo.
Le Docteur demeurait silencieux sur la banquette arrière.
[…]
55
Après la « fuite » du docteur Dimo Aïranov, le colonel Andreï Egoritch Tarkhov fut dégradé, jugé par le tribunal militaire soviétique et envoyé dans un camp de concentration du GOULAG. Il fut gracié quelques années après la mort de Staline en 1953.
56
Dix ans s'étaient écoulés depuis les événements relatés. C'était un jour ensoleillé, quelque part dans la banlieue de Moscou. La datcha disparaissait sous la verdure estivale. Tout était silencieux et très moite.
Tarkhov, en bras de chemise, les manches relevées jusqu'au coude, était assis à l'ombre, dans la véranda. Il fumait en lisant un livre. Sur la table, devant lui, de la fumée s'échappait d'un verre de thé muni d'un support en relief argenté. Il avait visiblement vieilli, blanchi, et portait des lunettes aux épaisses montures de corne. De l'homme qu'il avait été il ne restait que l'ombre. Seuls ses yeux gris étaient toujours les mêmes.
On entendit un bruit de sonnette. Un facteur apparut sur la route, poussant une bicyclette. Nadia, la fille de Tarkhov âgée de douze ans, se précipita hors de la datcha.
– Papa, le courrier ! s'écria la fillette toute joyeuse.
Elle s'élança à la rencontre du facteur. Enjamba les deux chats qui se chauffaient au soleil sur les marches de la véranda. Traversa le jardin en courant mais, après avoir parcouru la moitié du chemin, une idée lui vint, elle revint sur ses pas et prit un bonbon enveloppé de cellophane dans la coupe posée sur la table. Elle courut de nouveau en direction du facteur en enjambant encore une fois les chats. Elle lui tendit le bonbon.
– Tenez, Ivan Nikititch. Le facteur la remercia d'un sourire. Il lui donna quelques lettres, une carte postale, deux journaux, un magazine. Il poursuivit sa route avec sa bicyclette, tandis que Nadia courait vers la véranda.
Hors d'haleine, elle jeta un coup d'œil furtif au magazine. Sur la couverture on voyait une photo en couleur de Gagarine. Son visage remplissait l'ensemble de la couverture. La qualité de l'impression était très mauvaise, les séparateurs de couleur des clichés de photogravure ne coïncidaient pas et brouillaient son portrait. Nadia posa le magazine sur la table. Y laissa les journaux, Pravda et Izvestia, d'un air indifférent. Examina les lettres avec plus d'attention. Tarkhov tourna les pages de son livre.
– Quelque chose d'intéressant ?
– On va voir, répondit Nadia. – Oncle Liova nous a écrit. Ces deux-là proviennent de l'Institut de maman... Il y a aussi une carte. Elle t'est adressée. Mais elle est bizarre. C'est une carte et pourtant, il n'y a pas d'image.
– C'est écrit petit ? demanda Tarkhov.
– Oui.
– Lis-la moi, Nadia, que j'épargne mes yeux.
Nadia scrutait la carte d'un air perplexe.
– Je ne peux pas. C'est comme un code secret. Avec des lettres, des chiffres...
Tarkhov poussa un soupir. Il se dit que Nadia se trompait. Il tendit le bras. Nadia lui remit la carte.
– Tiens, vois par toi-même.
Tarkhov la prit. Il l'examina en faisant un effort avec les yeux. C'était une carte postale standard destinée aux échecs par correspondance. Elle était en carton brunâtre avec une inscription en trois langues : « Fernschach – Échecs par correspondance – Scacchi per corrispondenza ». On y avait écrit le premier coup d'une partie d'échec :
e2 – e4.
Tarkhov retourna la carte avec des doigts tremblants, en proie à une émotion soudaine et forte. Dans le champ « expéditeur » était inscrit en lettres d'imprimerie droites et à l'encre bleue :
Stephan Keller.
La main de Tarkhov se mit à trembler plus fort encore. Il serrait la carte avec force. Nadia le regardait, très perplexe.
– Papa, tu pleures ? demanda-t-elle.
FIN
1Le 9 septembre 1944 (toutes les notes sont de la traductrice).
2En bulgare Troudovo-Vazpitatelni Obchtejitia (трудово-възпитателни общежития).
3Sécurité d'État, organe créé dans la Bulgarie communiste sur le modèle du NKGB, futur KGB.
4Aussi bien « Monsieur » que le mot utilisé par le vieillard pour « lieutenant » faisaient partie du vocabulaire « bourgeois » et « monarcho-fasciste » selon la terminologie communiste.
5Certains termes, comme « emmener », « vérification », avaient une résonance effrayante dans les années 1950-1960 : on savait que cela pouvait signifier de ne plus jamais revoir quelqu'un, soit emprisonné, soit interné dans un camp, soit liquidé.
6Organe du Comité central du parti communiste bulgare jusqu'en 1990.
7« Feu patriotique » en russe.
8« Petits frères » : diminutif affectueux en russe. Les Russes étaient censés être les frères des pays du bloc de l'Est...
9C'est-à-dire selon les règles de l'hospitalité dans plusieurs cultures.
10Les prisonniers de droit commun, les criminels.
11Prénom et nom patronymique de Dzerjinski qui créa et dirigea la Tchéka, première police politique de l'État soviétique.
12 Soyez le bienvenu, camarade colonel !
13Narodnyï komissariat gossoudarstviennoï biezopasnosti : Commissariat populaire pour la sécurité de l'État (russe).
14 D'un bout à l'autre au sommet des montagnes
là où l'aigle vole librement,
pour Staline – sage, chéri et aimé,
le peuple a composé un beau chant.
15 Bravo! (russe)
16Les horizons ensoleillés se découvrent à nous
les feux de la victoire brûlent au-dessus du pays,
le camarade Staline vit pour la joie de tous,
lui, notre guide sage, notre maître chéri.
17Diminutif de Vassil.
18 Ah ça, Rozner, tu en as de la chance ! Des tétons comme des poires sauvages ! (russe)
19 Non ! Pas la reine, imbécile ! Sinon tu perds ! (russe)
20 Fiche le camp, raclure! (russe)
21Litt. « ma petite colombe » (russe) : mon très cher.