Ostaïnitsa (Vierge jurée) - note de lecture

Rene Karabash

Ostaïnitsa (Vierge jurée)

Janet-45, Plovdiv, 2018, 158 p.

note de lecture

 

Ostaïnitsa ou vierge jurée : il reste peu, en Albanie du nord, de ces femmes qui font voeu de chasteté, selon le kanun de Lekë Dukagjini, et renoncent à leur identité de femmes pour pouvoir vivre librement, comme des hommes, avec les mêmes droits que les hommes, prendre les armes pour venger dans le sang l'honneur de leur famille, dans une société dominée par le kanun, recueil de codes de droit coutumier en vigueur, dans certains endroits, depuis le XVe siècle.

Ostaïnitsa est l'histoire de Bekia qui devient Matia. Bekia, fille de Mourach qui voulait un fils...

La vie de Bekia nous est dévoilée à travers un dialogue/monologue entre Bekia/Matia et une journaliste venue dans ces lieux afin de réaliser un documentaire sur la dernière vierge jurée des Balkans. Bekia décide de devenir une vierge jurée après avoir été violée par l'idiot du village la veille de ses noces avec Nemania : ce dernier, découvrant qu'elle n'était pas « pure » aurait le droit de la tuer. Elle prend le prénom masculin de Matia et renonce à la femme en elle. Par ce renoncement, elle entache l'honneur de celui qu'elle devait épouser et engage ainsi sa famille dans l'une de ces vendettas entre familles qui font partie du quotidien des habitants de ces contrées. Un homme de sa famille doit périr sous les coups de Nemania. Elle désigne son frère qui s'enfuit en Bulgarie, c'est son père qui est assassiné.

Après la mort de son père et la fuite de son frère, Bekia commence à recevoir des lettres de ce dernier qu'elle ne peut malheureusement pas lire. C'est seulement lorsque la journaliste vient la voir chez elle et qu'elle lui lit les lettres, que Bekia apprend des vérités dures à entendre qu'elle ne soupçonnait pas. Elle part en Bulgarie le rejoindre, retrouver Dana, son amour de jeunesse, apprendre qu'elle est atteinte par le rare phénomène de « fœtus in fœtu » (elle porte en elle le fétus de son jumeau) et subir une opération...

Les questions d'identité de genre, de violence faite aux femmes dans les sociétés patriarcales des Balkans, d'amour au sein du même sexe, encore tabous, ont été portées dans l'espace public par les violentes réactions, en Bulgarie, à la convention d'Istanbul (notamment à une conception du genre – féminin – détaché de la biologie). Elles sont au cœur de ce roman qui interroge l'amour et l'être humain, les questions de sexe, les mots « fils » et « fille », « homme » et « femme ». Pour briser les tabous, il fallait une écriture qui brise les conventions. Irena Ivanova, connue par ses poèmes, annihile les frontières entre prose et poésie, offrant ainsi aux lecteurs une prose très rythmée, aux images souvent étonnantes, qui nous fait passer d'une temporalité à une autre. Elle nous mène habilement là où elle le veut, nous réservant autant par son histoire que par son écriture bien des surprises...

Roman qualifié (déjà!) de « roman culte », il a fait l'objet d'un grand nombre de recensions

Marie Vrinat-Nikolov

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