Galin Nikiforov
Galinn Nikiforov, Le renard, Sofia, Ciela, novembre 2014, 556 pages.
Le renard est le sixième et nouveau roman de Galinn Nikiforov, lauréat des prix nationaux « Roman de l'année – Helikon », « Hristo G. Danov » et « Elias Canetti » pour ses romans Bon garçon, Le photographe : obscura reperta et La maison des clowns).
Galinn Nikiforov (né en 1968) fait partie des écrivains bulgares contemporains marquants.
Dans ses romans, dont Le photographe : obscura reperta (2008) et Le renard prennent la forme de romans noirs traversant l'espace et le temps, les continents et les époques, on retrouve la fascination de vaincre la mort et de l'immortalité, le recours à des mythes antiques et orientaux, la recherche d'un sens à la vie et la difficulté d'aimer et de vivre, la solitude existentielle avec laquelle il faut composer, servis par une construction habilement pensée, une langue aux registres variés et par les lectures de l'auteur qui nous font découvrir des cultures étrangères, les problèmes de la société bulgare, mais aussi des découvertes scientifiques et médicales, le tout avec un sens du suspens et des revirements bien maîtrisé.
Le renard se déploie dans deux directions qui sont développées en parallèle et en alternance parfaite dans les chapitres. D'un côté, on suit l'extraordinaire vie, longue de sept cents ans, de Nora Volpe, née en Irlande au début du XIVe siècle, de l'autre, une enquête policière menée dans la Bulgarie actuelle par Viktor Traiman, psychologue travaillant pour la police, qui lutte désespérément contre le sentiment de culpabilité depuis qu'il a tué un garçon qui avait violé et poussé au suicide l'une de leurs camarades, lorsqu'ils étaient enfants. Nora Volpe et Viktor Traiman se rencontrent et unissent leur destin, chacun essayant de surmonter ses propres tourments et ses douleurs.
Alors que Nora a douze ans, l'homme auquel sa mère l'a confiée la laisse seule, attachée à un arbre, pour se débarrasser d'elle. Au bout de trois jours, complètement épuisée, elle lutte pour sa vie avec un renard et parvient à l'étrangler avant de boire son sang pour étancher sa soif. C'est alors que quelque chose change dans son métabolisme et, des années plus tard, elle comprend qu'à cause de l'horreur vécue et du sang de renard qu'elle a bu, elle ne vieillit pas comme les autres.
Deux siècles plus tard, en 1503, en Italie, Nora tente de trouver quelque chose qui puisse remplacer le « rite du renard » auquel elle s'expose environ tous les trente ans pour conserver son « vieillissement négligeable », selon les termes utilisés pour caractériser son état quelques siècles plus tard. À Florence, elle se rapproche de Léonard de Vinci qui l'aide dans ses recherches et dans sa fuite pour échapper à la justice, après qu'elle est devenue victime des calomnies du serviteur de Léonard de Vinci. Elle parvient à se transfuser le sang d'un enfant-vieillard et, ayant reçu ce qu'elle cherchait, elle s'enfuit de Florence, aidée par sa fidèle servante Gobba.
Au Japon, en 1613, c'est déjà une femme mûre, mère de famille, qui a perdu ses fils. Un jour, elle apprend inopinément que son dernier fils encore en vie, Moussachi, né avec des handicaps, a été tué et enterré par son mari avide de pouvoir qui veut « purifier sa virilité » avant de devenir un daimyō. Elle décide, avant de mourir, d'apprendre où a été enterré son fils, afin que son esprit, selon la tradition japonaise, puisse veiller sur lui. Elle atteint son but et avant d'être décapitée par les gardes de son mari, elle est sauvée de la mort par une femme samouraï déguisé en homme nommée Kishokan.
En France, en 1824, Nora est contrainte de gagner sa vie dans un château des environs de Paris, en instruisant des jeunes filles à l'art de jeux érotiques sadomasochistes, après que sa maison a été incendiée à dessein et qu'elle est demeurée sans ressources. Mais un beau jour, brusquement, ses deux « bienfaiteurs », les frères Lautrec, sont assassinés et elle recouvre la liberté. En tentant de comprendre comment ces deux assassinats ont été perpétrés, elle tombe sur la piste de la Comtesse Agnesi et sur la preuve manifeste que quelqu'un veille sur elle, comme cela s'est produit plusieurs fois par le passé.
De nos jours, Viktor Traiman et Elsa, policière affectée pour l'accompagner dans son travail, enquêtent sur le meurtre de Venizeos Aristeas, collectionneur d’œuvres d'art. Viktor parvient à obtenir les empreintes digitales du meurtrier et la preuve de ses liens avec madame Ilisa, tenancière d'une maison close de luxe, avant d'être mis sur la piste de trois meurtres non élucidés grâce à Nora Volpe, dont il fait la connaissance après un interrogatoire,. Ces trois meurtres non élucidés, de même que celui d'Aristeas, ont été perpétrés par étranglement avec une corde de nylon noire, ce qui pousse Traiman à penser qu'ils sont l’œuvre d'une seule et même personne.
Ce n'est que le début d'une enquête qui surprendra son lecteur par ses nombreux revirements et son suspens, ainsi que par son épilogue dans lequel on retrouve Nora Volpe, qui a renoncé à l'immortalité, et Viktor Traiman, dans le petit village irlandais dans lequel Nora est née, point de départ du roman...