Sel

Je ne savais rien encore sur le sel,
lorsque les dieux découvrirent
que j'endormais leurs chiens de chasse avec du suif
et que je pouvais lire dans les étoiles.

Ainsi ils me firent monter seul sur l'un de leurs
vaisseau, non pas pour sillonner
par mer leurs îles aux eaux douces
mais pour avoir l'œil sur les étoiles.

C'était même pour eux un labeur écrasant
et le jour, ivres, ils criaient en rêve,
tandis que dans la cale leur langue j'apprenais
et fus aveuglé par son sel gris.

Alors, ils me firent sortir sur leur dos,
sur le mât de sapin ils m'empalèrent
et d'une voix glacée exigèrent que je mette
en rang les étoiles et que je les recompte.

J'avais déjà entendu ce hurlement fluet,
et je n'étais pas aveugle au point
de ne pas voir les régiments de rats
aux aguets dans la canicule du midi.

Heureusement, le reflux arriva jusqu'à nous,
submergeant cette fois les deux ponts,
car ils avaient mis le feu au vaisseau
avant de s'envoler vers un autre.

Et moi, je fus recueilli le lendemain matin
par des moines descendus au village pour du pain.
Maintenant, je fais paître les chèvres dans les monastères
et je lis les versets de leur Coran.

Ou bien, dans les villages plus riches,
je dépose des boules de sel dans les cours,
reconnu maintenant même par les bœufs.
Mais je ne vais qu'avec des lunettes noires.

Traduit du bulgare par Marie Vrinat

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