Ostaïnitsa (Vierge jurée) - extraits traduits
Rene Karabash
Ostaïnitsa
(Vierge jurée)
roman
éd. Janet-45, 2018, 159 pages
Extraits traduits par Marie Vrinat
Ostaïnitsa – vierge jurée, femme qui fait serment de virginité selon le kanun de Lekë Dukagjini et commence à mener une vie d'homme et de chef de famille dans des sociétés patriarcales au nord de l'Albanie, au Kosovo, en Macédoine, Serbie, Monténégro, Croatie, Bosnie. C'est un changement de sexe constitutionnellement admis par un serment qui, une fois prononcé, permet à la femme d'acquérir les droits d'un homme dont les femmes sont privées dans ces contrées. Les vendettas sont caractéristiques des endroits où règne le kanun. De nos jours, il ne reste que quelques vierges jurées, étant donné que ces communautés se raréfient. Tout cela se passe à seulement 537 kilomètres de la Bulgarie. Ce n'est ni un mythe ni un conte. C'est l'histoire de l'être humain.
Autres dénominations pour ostaïnitsa : mouchkara, virguinecha, mouchkobania, kharambassa, zaviyetovana devoïka, sadik.
déjà dans le ventre de ma mère
j'entendais différentes choses
comme mon père qui disait
iskam sinn - je veux un fils
à ma naissance j'ai compris
que sinn veut dire une couleur1
parce qu'un jour maman m'a dit
ma petite fille chérie
tes yeux sont bleus comme le ciel
or le ciel était bleu
donc sinn est une couleur.
depuis que je suis née
je veux que maman m'habille
avec des vêtements bleus seulement
si elle m'habille dans une autre couleur
je me mets à pleurer
parce que déjà dans le ventre de ma mère
j'entendais différentes choses
comme mon père qui disait
iskam sinn - je veux un fils
aujourd’hui maman
m'a mis une robe bleue
j'ai rampé jusqu'à mon père
pour me montrer à lui
mais il m'a dit
laisse-moi écouter les infos
ce qui doit vouloir dire
que je suis très belle
je ne comprends pas
est-ce que tu peux-tu me dire
ce que signifie
laisse-moi écouter les infos
et encore :
infos de dernière minute
une fillette s'est pendue
à son cordon ombilical ?
PREMIÈRE PARTIE
Caïn dit à son frère Abel : « Sortons dans les champs. » Et, quand ils furent dans la campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua.
Le Seigneur dit à Caïn : « Où est ton frère Abel ? » Caïn répondit : « Je ne sais pas. Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère ? »
Le Seigneur reprit : « Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre vers moi !
Maintenant donc, sois maudit et chassé loin de cette terre qui a ouvert la bouche pour boire le sang de ton frère, versé par ta main.
Tu auras beau cultiver la terre, elle ne produira plus rien pour toi. Tu seras un errant, un vagabond sur la terre. »
PREMIER LIVRE DE MOÏSE
GENÈSE 4 : 8-12
Les hérauts de la mort
Le « Kanun2 » était plus puissant qu'il ne semblait. Il étendait son pouvoir partout, sur les terres, sur les bornes des champs, il pénétrait dans les fondations des maisons, les tombes, les églises, les routes, les marchés, les noces, il gravissait les alpages et montait même plus haut, jusqu'au ciel, d'où il retombait sous forme de pluie pour remplir les voies d'eau, qui étaient la cause d'un bon tiers des meurtres.
Ismaïl Kadaré
Avril brisé
tu as les salutations de mon frère
dit le frère de Nemania et il tire avec son fusil une seule fois
le corps chaud de mon père tombe avec un bruit sourd dans les feuilles mortes, ses grands yeux fixés sur lui, les grands yeux de mon père fixés sur les yeux du frère de Nemania, ses mains puissantes saisissent mon père et le tournent là où le soleil se couche, il est excité en regardant ses doigts en sang, il les essuie dans la chemise de Mourach, les hérauts de la mort propagent la nouvelle de celui qui a été assassiné, on a tiré sur Mourach, Mourach a été tué, on a abattu Mourach à côté des grenadiers sauvages, près des grenadiers, Mourach, Mourach, Mourach, crie ma mère, et elle sombre dans ses jupes en plein milieu de la rue, ma vie, Mourach, le vent emporte les cris des hérauts, les cris des hérauts atteignent ma mère sur le chemin de terre qui mène chez nous et la font tomber par terre, ma mère sombre dans ses jupes en plein milieu de la rue, quatre hommes solides marchent sur le chemin qui mène chez nous, sur quatre branches de hêtre ils portent le corps de mon père, le chemin est inégal, les porteurs trébuchent, courbés, le corps de mon père s'élève et retombe comme une toux, ils le posent à mes pieds et il ne bouge plus, maintenant je dois poser toutes les questions comme l'exige le Kanun, je dois demander aux porteurs ce que je dois demander, j'ouvre la bouche, il n'en sort que l'air brûlant, l'air brûlant dans le froid devant les visages des porteurs, l'air brûlant ne vit plus devant le visage de mon père, allez, Matia, disent les porteurs marmonnant à leurs cols, ils ne me regardent pas dans les yeux, ils ne veulent pas voir la mort du père dans les yeux de sa fille, ils seraient prêts à regarder la mort dans les yeux du père, mais dans ceux de sa fille, jamais, ils veulent se coucher tranquillement dans leurs lits, et moi je dois rester debout, ne pas perdre le contrôle de mon corps, une petite toux et je dis, que m'apportez-vous,
une blessure ou la mort
Bekia
je jure sur le maître des Alpes albanaises, Lekë Dukagjini,
que jusqu'à mon lit de mort, que jusqu'à mon lit de mort je ne toucherai pas un homme, je ne toucherai pas un homme, et je garderai mon innocence virginale, renonçant pour toujours à la femme en moi
renonçant pour toujours à la femme en moi
je me soumets à ce serment sacré de ne pas suivre les désirs pervers de la chair, et aujourd'hui, devant douze pères, je prends le nom masculin de Matia pour mon unique prénom, et que les femmes coupent mes cheveux, et que mes robes se transforment en cendre, et que les vêtements d'homme deviennent mon dos, mes pieds et ma peau
mon dos, mes pieds et ma peau
Dieu et ces pères me soient témoins que, tant que j'aurai assez de forces et de raison, je respecterai le présent serment scellé par mes cheveux et mon honneur
moi, fils Matia, je prendrai soin de ma famille en assurant la nourriture nécessaire et tout ce qu'exige le Kanun, car l'oisiveté est l'ennemi de l'âme, aussi serai-je occupé par du travail manuel durant certaines heures, je ne serai le moine de la vérité que lorsque je vivrai du travail de mes mains, et si je respecte avec bénédiction ce serment, si je ne tolère pas d'actes indignes et ne foule pas la parole donnée, alors, que je jouisse d'une longue vie, entouré de la considération de tous, mais, si je la transgresse et l'emplis d’opprobre, que je subisse l'inverse
sur le ciel et la terre, sur cette pierre, sur ce poids et ce pain
j'ai prêté serment
Matia
je sors de l'église, pour la première fois je sens la froidure de l'air albanais avec ma tête, je dois ressembler à un âne, mes cheveux sur le sol de l'église, se séparer de quelque chose qu'on a toujours eu s'est révélé être tout ce qu'il y a de plus facile, maintenant on va aussi brûler mes robes, jusqu'à la dernière, sauf celle de grand-mère, ainsi que mes souliers vernis, elle me les a donnés avant de mourir, la robe et les souliers pour mes noces, elle les avait rangés à côté des vêtements pour son enterrement, viens, ma petite-fille, je vais te donner quelque chose, je ne sais pas laquelle des deux robes est pour moi, grand-mère, nous avions la même taille, ma grand-mère et moi, avant quelle ne s'en aille, elle s'est coupée en égorgeant un chevreau malade, son sang s'est empoisonné et, prends, ma petite-fille, ce trousseau pour tes noces, les deux robes, si belles, l'une de velours rouge, l'autre aussi bleue que le ciel, j'ai pris la robe bleue, les souliers laqués bancs, Bekia, ma petite-fille, c'est ma robe que tu as prise, rends-la moi, ma petite-fille, je la garde pour quand je m'en irai, non, grand-mère, c'est celle-ci qui me plaît, je n'aime pas la couleur rouge, prends-là, toi, tiens, je n'ai jamais porté cette robe, elle est là, tu vois, dans le cellier, avec les souliers vernis, je les ai cachés avant de prêter serment, pour qu'on ne les brûle pas, une fois il s'en est fallu de peu que je les porte, pour mes noces, dans cette même église où je me suis séparée des choses liées aux femmes
il n'y a pas de retour en arrière
je sors de l'église, je sens pour la première fois la froidure de l'air albanais, je dois ressembler à un âne, et alors, je me dis, le métal le plus précieux en Albanie est la liberté, la femme en Albanie vaut vingt bœufs, ne regarde pas les hommes dans les yeux, ne va pas à la taverne, prends soin des enfants, fais la lessive, la cuisine, elles peuvent tout au plus de porter le lait à la laiterie, tuer Bekia était la chose la plus raisonnable que je pouvais accomplir, on m'a donné un fusil et une montre, je pouvais désormais fumer et boire, aller avec les hommes, fréquenter la taverne et les pièces pour les « histoires entre hommes », on m'a appris à écarter les jambes, les enfants du quartier ont commencé à m'appeler baté3 Matia, je marchais tous les soirs dans les rues étroites du village, je m'exerçais, je devais m'habituer à ma nouvelle allure, m'habituer au fait que je ne valais plus vingt bœufs, que j'avais une montre, le petit garçon à son papa
ton père voulait un fils, mais c'est toi qui es née
tais-toi, maman, le même jour est apparu Matia, je l'attendais pour qu'il enlève mes vêtements, qu'il me mette les siens et attache sa montre autour de mon poignet, Bekia n'existe plus, ses cheveux flottent sur la rivière, vous savez quoi, Madame la reporter, nous, les gens, nous avons besoin de règles et de limites, je pense que c'est exactement de cela que nous avons besoin, je ne sais pas comment c'est chez vous, mais chez nous, c'est comme ça, la liberté est quelque chose de dangereux
tout le village sait
Mourach voulait un fils, mais c'est une fille qui lui est née
tous veulent des fils dans ces contrées, à cause de l'impôt du sang, les hommes meurent comme des mouches, il n'y a personne pour s'occuper des travaux des hommes, je prends le nom masculin de Matia pour mon unique prénom, et que
je sors de l'église pour la première fois je sens
je me dirige vers ma maison, je dois savoir que la robe et les souliers sont là-bas, les Montagnes maudites se dressent de tous côtés devant moi, les Alpes albanaises, les Maudites, des milliers de kilomètres, où que j'aille, l'armée de pierre immobile rassemblée par les mains du diable, le ciel prend appui sur leurs épaules, entends-tu les grelots des mulets – les cloches vespérales du village, ce jour-là également la pluie tombait, mais aussi fine que la rosée, elle tombe sans s'arrêter, tiens, comme maintenant, et le brouillard, toujours le brouillard, c'est ici, sur le plateau, qu'il est le plus épais, tout est comme un tableau gris, ni triste ni joyeux, comment dire, comme un visage sans expression, vous comprenez de quoi je parle, n'est-ce-pas, qu'elle s'arrête maintenant cette pluie, est-ce que vous avez marché longtemps jusqu'ici, ici, c'est comme ça, on marche beaucoup, les chemins sont longs et embrouillés, seuls les gens du coin connaissent le chemin, comme les aveugles, ils sont les seuls à ne pas se perdre dans le noir
je marche sur les sentiers de loups, de l'église jusqu'à la maison, à ma gauche la rivière coule près de moi tout le long du chemin comme un compagnon de route inconnu dont tu sais qu'il ne t'adressera pas la parole, c'est alors que j'ai compris ce que j'avais fait, pendant que je marchais à pas plus grands que les miens, je trébuche sur les pierres, les pierres sont partout sur le chemin, il n'y a pas de retour en arrière, je ne peux pas rattacher mes cheveux à ma tête, faire revenir les mots dans ma bouche, enfler comme une grenouille, dire la vérité, une fois pour toutes, tout à coup dans le brouillard je vois les fondements d'une maison, je l'ai déjà vue auparavant, lorsque nous sommes passés par ici avec mon père, mais pour la première fois je ne sais pas
cette maison, on la construit ou on la détruit
Couleur préférée bleu
Matia, sur le passeport Bekia, trente-trois ans accomplis, frère Salé, père Mourach, assassiné, mère est morte après lui, il reste seulement la vache Noura et les pigeons de mon père, couleur préférée bleu, peur uniquement de la neige, de la grosse neige, la solitude c'est autre chose, non l'amour est interdit ici, elle équivaut à la mort, je ne vais pas chez le docteur, je bourre mes plaies de tabac, s'il arrive quelque chose, je fume, il n'y a pas de télé, je n'ai pas besoin de téléviseur, la radio suffit, des chansons albanaises et, parfois, américaines, non, je ne chante pas bien, je ne veux pas, sur celle-là, on est tous les quatre, mon père, mon frère Salé, ma mère et moi, avant que, c'est tout pour aujourd'hui, Noura a faim, les pigeons attendent d'être enfermés.
Les jumeaux
déjà dans le ventre de ma mère
j'entendais différentes choses
comme mon père qui disait
iskam sinn - je veux un fils
mon prénom signifie qui a survécu, qui est restée en vie, celle qui s'en est tirée
et alors ils sont partis, où trouver un hôpital, raconte la mère de mon père, ma mère au deuxième mois avec des jumeaux, un garçon et une fille, je suis la fille, et le garçon, les paroles de ma grand-mère dans la tête de ma mère, et alors ils sont partis, le village commente, elle a pas un ventre comme si c'était un garçon, c'est raté, ma mère saigne dans la salle de bains, Mourach, vite, elle ne sait pas s'ils sont encore vivants ses deux enfants ou s'ils sont revenus là d'où ils viennent, les imprécations de la mère de mon père, cette fille ne doit pas naître, pourvu que naisse seulement le garçon, pour prolonger la lignée, tu n'as pas besoin d'une fille, Mourach, le village commente l'épousée de Mourach porte une fille, dommage, mon père encore assuré que du ventre de ma mère sortira le digne héritier de sa lignée et que lorsqu'on croit fort en quelque chose, il se réalise, parce que
tout ce qui est fortement désiré se réalise
d'une manière ou d'une autre
mon père saisit ma mère par la main et l'emmène à l'hôpital de la ville, on ne sait jamais, ils sont peut-être encore vivants, Madame la journaliste, ici, les mères tombent enceintes dans l'espoir qu'il naîtra un garçon et qu'elles ne feront pas honte à la lignée, que le sang mâle de la lignée giclera sur la large poitrine du garçon auquel, ensuite, on dira : « longue te soit la vie et qu'un fusil te terrasse »
ici tout homme doit avoir de l'honneur autant que deux doigts au milieu du front
être élevé au-dessus d'une mort ordinaire par une petite boule de plomb est une question d'honneur, ici il est infamant de mourir de maladies, je ne sais pas comment c'est chez vous, c'est sûrement pareil chez vous, comment ça ne le serait pas, les crimes de sang ici sont remises à plus tard uniquement en cas de guerre, de catastrophe naturelle, d'épidémie ou de migration, lorsque la mort a perdu de sa hauteur, ici, la vendetta est quelque chose de normal, du moment qu'elle n'entre pas dans ta maison, celle que tu as choisie, Mourach, ça va, du moment qu'elle n'entre pas dans ma maison, fais attention à toi, mon fils, celle-ci, elle va te brûler la poitrine, je les vois bien ses petits yeux, est-ce que tu ne sais pas ce qu'ils valent les Karabach, ma mère – le brebis galeuse de la famille – saigne dans la salle de bains, c'est en route, le sang dans la salle de bains, l'hôpital
les docteurs sont formels, il n'est pas là, comment ça il n'est pas là, le mâle n'est pas là, il a disparu, comment ça disparu, il s'est sûrement écoulé avec le sang, mon petit garçon, je ne peux pas rentrer avec elle seulement dans le ventre, je vous en prie, docteur, faites quelque chose, faites-le revenir, je regrette, Madame, votre mari attend à l'extérieur, voulez-vous que je lui dise, non, heureusement l'embryon féminin est en très bon état, plus que très bon, même, s'il continue à se développer ainsi, vous aurez une petite fille forte et en bonne santé, aussi, jusqu'à la fin de votre grossesse vous devez éviter de soulever des choses lourdes ou une trop grande fatigue physique, bref, vous devez rester couchée toute la journée
je te l'avais dit, Mourach, celle-là, elle ne te donnera pas de garçon, tais-toi, sorcière, quoi que ce soit, ce sera mon sang, je m'en occuperai, la mère de mon père lance ses malédictions dans la cour de la maison, le village fait semblant de ne pas entendre, il n'entend jamais rien, mais il est toujours au courant
mon père et ma mère titubent sur les éboulis des Montagnes maudites en chemin vers la maison et pleurent, pourquoi pleurez-vous, je suis vivante, non, mon prénom signifie celle qui a survécu, qui est restée en vie, pourquoi pleurent-ils
mon père ne m'a pas touchée jusqu'à ma première année, il m'évitait dans les pièces, il ne me parlait pas, je ne peux pas le toucher, ce ver, je vais le briser avec mes paluches, regarde comme il est petit
lorsqu'on croit très fort en quelque chose, il va se produire
tôt ou tard
inévitablement
le petit garçon à son papa, c'est ainsi que m'appelait mon p)ère, il savait que son garçon serait ma copie, mêmes cheveux et mêmes dents, même taille, mêmes doigts, mêmes yeux de couleur bleue, tout lui réussit, Mourach, hier elle a fixé les ridelles de ma charrette, tout lui réussit très bien, elle est pleine de santé, agile, elle tourne et vire comme un poulain, à peine est-elle apparue que tu l'as perdue de vue, et pourtant le travail est fait, si tu avais un fils, il ne t'écouterait pas autant et il ne serait pas aussi habile en tout
mon premier souvenir avec mon opère, il est entré dans la pièce et quand il s'est dressé devant moi, il a caché toute la lumière qui venait de la fenêtre, il a sorti de la poche intérieure de sa parka un pistolet en bois et me l'a donné, tiens, Bekia, un pistolet, prends, j'étais tellement contente de ce cadeau que je me suis mise à rire, j'ai levé le pistolet et j'ai visé sa tête, j'ai commencé à appuyer sur la détente et à crier pan-pan, c'est alors que pour la première fois j'ai vu mon père rire, on riait tous les deux, moi sans dents et lui aussi sans dents, pan-pan-pan, pan-pan-pan
si je pouvais lui dire ce que je ne savais pas encore à ce moment-là, si je pouvais lui dire de ne pas rire, parce que ce qu'il avait voulu surviendrait, comme la fin du monde
ça ne devait pas se passer ainsi
ayez la patience de tout entendre, du katchamak4, vous en mangez ?, je vais vous dire quelque chose, lorsque vous aurez assez mangé, n'essuyez pas votre assiette avec du pain et ne mettez pas de bois dans l'âtre, ça, c'est mon travail, vous savez, si vous le faites, je serai obligée de vous chasser, et même de vous tuer, c'est ainsi selon le Kanun.
L'hôte
est-ce que vous enregistrez
en ce moment est-ce que vous enregistrez
je me rappelle chaque mot du serment, Madame la reporter, et n'allez pas croire que je l'ai appris par cœur avant de le réciter dans l'église, j'ai assisté à tellement de cérémonies de changement comme celui-ci, je suis même allée dans d'autres villages, que, bon gré mal gré, on l'apprend ce serment, un peu comme le chant funéraire, toujours le même à tous les enterrements, il n'y a que les musiciens de l'orchestre qui changent, parce qu'ils finissent tous par mourir et que d'autres viennent les remplacer, vous aussi, si vous écoutiez ce chant funéraire tous les deux jours, vous finiriez par l'apprendre, à cause des vendettas, ici, il y a beaucoup d'hommes qui meurent, c'est l’impôt du sang, tout tourne autour du Kanun, selon lui, l'hôte est le plus important, maintenant, vous êtes mon hôte et c'est vous la plus importante, en Albanie, l'hôte, on l'honore, l'hôte a la première place, ensuite vient la famille, la maison appartient à Dieu et à l'hôte, si quelqu'un frappe à la porte de l'Albanais, il est obligé de l'accueillir et de le régaler, la femme du maître de maison lave les pieds de l'hôte, elle lui prépare un lit et allume son poêle, le lendemain, on raccompagne l'hôte jusque sur le pas de la porte, s'il arrive que quelqu'un lui tende une embuscade pour le tuer, je veux dire, si on tue l'hôte devant ta porte, si l’hôte ne t'a pas encore tourné le dos après que tu l'as raccompagné, et qu'il te regarde encore, tu es obligé de le venger, il est de ton devoir de verser le sang pour ton hôte, n'ayez crainte, personne ne va vous tuer, vous n'êtes pas en situation de vendetta avec un habitant du village, en outre, vous êtes une femme, ici, les femmes ne sont pas concernées par la vendetta, moi, je pourrais, mais vous, non, il n'y a personne pour se venger de vous, parce que vous n'avez tué personne et que vous êtes une femme, n'est-ce-pas, vous êtes mon hôte, Madame la reporter, vous resterez ici autant que vous le voudrez, il en va ainsi selon le Kanun, vous n'avez tué personne, moi non plus, je n'ai tué personne
silence
il y a deux choses que l'hôte n'a pas le droit de faire, vous l'avez compris, n'est-ce-pas, essuyer son assiette avec du pain et mettre du bois dans l'âtre, si vous le faites, au même moment, comme vous me voyez, là, je peux me lever, ouvrir la fenêtre et crier en direction du village que j'ai été offensée par mon hôte, ensuite, j'ai le droit de vous tuer, mais ne croyez pas que j'aille vous tuer, pourquoi je vous tuerais, combien de personnes avez-vous vues dans le village depuis que vous êtes ici, trois, vous en verrez encore trois tout au plus, je suis la dernière ostaïnitsa du village, sinon de toute l'Albanie, c'est bien pour ça que vous êtes ici, non, à qui montrer mon honneur, pourquoi je vis seule depuis tant de temps, avec mon plus fidèle ami, la vache Noura, la plupart des anciens sont morts, il n'en reste que cinq pour arbitrer les vengeances de sang, ne soyez pas trop pressée avec vos questions, il y a un temps pour tout, je ne vous demande qu'une seule chose, vous voyez cette boîte, sur le coffre, là, ouvrez-là
Lettre une
Salut, Bekia,
J'espère vraiment que cette lettre te parviendra parce que les maisons, au village, n'ont pas d'adresse et je sais à quel point tout est compliqué avec les lettres et les télégrammes. Cela fait quatorze ans que j'essaie de t'écrire. Chaque jour... Tu sais bien que ma fuite était la conséquence de la grande et irréparable erreur commise par toi. Tu sais aussi qu'il est normal de vouloir sauver sa peau. N'est-ce-pas ? Partir était la chose la plus raisonnable que puisse faire quelqu'un doué de bon sens, qui ne se laisse pas assujettir par les lois du Kanun. Je suis comme ça.
Je ne regrette pas de m'être enfui, comme toi, tu ne regrettes pas d'être devenue une ostaïnitsa. De toute façon, un guevchek5 ne mérite pas de marcher sur les antiques terres du Kanun. Là, tout n'est que festin funéraire. Le meurtre veut dire fierté et honneur, n'est-ce-pas, « le garçon à son papa », pour les faibles comme moi, il n'y a qu'une seule porte ouverte : celle qui mène au Kanun. Oui, mais moi je suis sorti par une porte à laquelle personne ne s'attendait. La vérité, c'est que tu étais la seule à me comprendre. Je me demande encore ce qu'est cette chose qui nous fait tant nous ressembler et tant différer, tous les deux. J'y pense comme à un problème dont je connaissais la solution quand j'étais petit, mais que j'ai oubliée.
Pourquoi m'as-tu choisi, moi ? Pourquoi as-tu mis le ruban noir sur mon bras et voulu que je meure ? Ça n'a sans doute pas été facile pour toi de choisir qui devait mourir, moi ou Mourach, ontché bontché6, comme on jouait quand on était petits, qui aura le derviche, tu te rappelles ? C'était toujours toi qui gagnais. Pourquoi l'as-tu mis ? Moi je sais pourquoi. Je sais tout, même bien plus que je ne le voudrais, mais j'aimerais entendre la vérité de ta bouche. Que s'est-il passé le soir où tu es allée au lait et où tu es arrivée en retard pour le dîner ? Ce même soir, un peu avant de nous dire que tu voulais devenir une ostaïnitsa ? Il s'est passé quelque chose ce soir-là. Quoi ?
Je sais que tu m'en veux d'avoir pris la fuite et qu'à cause de cela, Mourach devait mourir. Moi aussi, je t'en veux pour beaucoup de raisons, mais, avec le temps, le pardon devient de plus en plus possible. J'espère que mes lettres ne te feront pas trop de peine et que tu ne décideras pas de ne pas m'écrire. J'aimerais beaucoup que tu viennes me voir et que nous puissions nous dire la vérité en face, comme nous le faisions, enfants. La vérité ou l'audace ? Les plus faibles choisissaient la vérité, parce que l'audace leur faisait peur. Maintenant, je me rends compte que le choix le plus courageux a toujours été la vérité. L'audace était pour les menteurs, les couards, qui se cachaient derrière le masque du courage. Pour ceux qui, au lieu de dire la vérité, préfèrent se jeter dans la rivière, s'enfuir ou tuer.
Je t'en prie, écris-moi, tu as continué les cours d'albanais après mon départ, n'est-ce-pas ? J'attendrai ta lettre. Mon adresse se trouve sur l'enveloppe. Je suis très ému et t'embrasse. Dis à maman que je l'aime... Il ne s'est pas passé une seule journée sans que je pense à vous.
J'ai oublié de te dire que j'habite en Bulgarie. Ici, tout le monde me connaît sous le nom de Mikhaïl. Je pensais qu'en changeant de prénom, je pourrais changer de passé. Mais c'est l'une des illusions humaines à laquelle j'ai succombé moi aussi. Nous demeurons esclaves de nos propres noms et actions. Jusqu'à la fin.
Salé
Sofia
Bulgarie
08. 07. 2016
[...]
Nemania
le café est là-bas, prenez du sucre, moi je le bois pur, sous le torchon il y a de la popara7, un matin comme celui-ci mon père
qu'est-ce que tu as à regarder cette pierre, tu n'es pas contente de devenir une épousée, Nemania est de bonne famille, il est temps pour toi, d'après le Kanun, même, tu es en retard, tu es une fille à marier maintenant, mais je ne le connais pas, vous allez faire connaissance, papa, Jelko m'a parlé de lui, il est très laid qu'il dit, c'est pas vrai qu'il est laid, Nemania va donner vingt bœufs pour toi et un sac de fourrage par bœuf, ils ont un téléviseur, la femme de son frère, elle ne dit que de bonnes choses à son sujet, évidemment, est-ce qu'elle peut faire autrement, elle est de la famille, fais tes bagages, on vous marie demain, dès demain ?
dès demain
même s'il y a des funérailles chez eux, la noce se fera, s'il y a un mort chez eux, ils le feront sortir et la jeune épousée entrera, et toi tu iras morte vivante, une fois que tu lui as donné ta parole, il en a toujours été ainsi, à l'époque turque, au moment des occupations, durant la Première et la Seconde Républiques, aujourd'hui comme demain, le Kanun ne connaît pas les lois du temps, ma fille, je ne veux pas t'entendre, le mariage est un marché, l'amour est une faiblesse, le mariage ne peut pas être défait une fois qu'il a été conclu, alors, sois intelligente
demain ?
demain
tu sais, n'est-ce-pas, que, selon le Kanun, je mettrai dans ton trousseau une cartouche avec laquelle Nemania te tuera si tu n'es pas pure, est-ce que tu es pure
pure
ne pleure pas, Bekia, tu n'en trouveras pas de meilleur, dit ma mère et elle verse un seau d'eau là où il faut laver
La jeune épousée de lait
Il y a des choses que l'on ne peut pas prévoir, comme le brouillard
une chanson connue glisse sa langue sous la porte de la laiterie
c'est lui, l'idiot du village, Kouka, Crochet
chiens et charogne dans les mûriers
chaude est la panse du veau
un cheval en bronze mâche des églantiers
crochet et croix dans le ruisseau
est-ce toi, Kouka, je croyais que c'était Nemania, il n'y a que lui pour venir si tard à la laiterie, est-ce toi, c'est lui, je sens des fourmis dans mes pieds, l'obscurité s'avance dans ma gorge, l'ombre de la porte continue de chanter sa chanson, Kouka ferme lentement la porte, l'obscurité est maintenant dedans, définitivement dans mon corps, elle me serre à la gorge et une lueur argentée entre par la lucarne de la laiterie, avant d’être arrêtée par celui qui entre, par sa chanson
l’œil de la couleuvre est un crochet, bien aimée
l’œil de la couleuvre est une oreille
il y a longtemps que je ne t'ai pas vu, Kouka, c'est pour du lait que viens ?, le nôtre je viens de le verser, dix litres et demi, ta vache est-elle toujours vivante, n'est-elle pas morte il y a quelques mois, mon corps papillon de nuit fixé à un mur par les épingles de son regard, des yeux noirs comme des olives, des yeux de goudron, sans corps, sans pupilles, des yeux sans blanc, je ne bouge pas
la couleuvre a faim nourris-la
jeune épousée de lait abreuve-la
l'ombre se dirige vers moi et chante tout doucement, son dos empêche la lumière d'arriver jusqu'à moi, le lait est blanc dans le chaudron, il remue encore par vaguelettes parce que j'en ai bu à pleines mains, du lait coule encore sur mes coudes, plus que deux pas et l'ombre me recouvrira tout entière, je me dirige vers la porte mais l'ombre me barre la route, je tourne à l'ouest, elle est là, je tourne à l'est, elle y est aussi, je serre ma tresse
Kouka, demain on me marie, viendras-tu aux fiançailles, je commence à prononcer des mots, ta vache n'est-elle pas morte il y a quelques mois, je n'arrête pas de parler, c'est ce qu’il faut faire, le fou il faut lui parler pour qu'il ne lui vienne pas des idées folles à l'esprit, en réalité, ce que je fais, c'est repousser, repousser ce qui doit arriver, ce qui s'est déjà passé, tout simplement le temps dans cette laiterie retarde
couleuvre colophane et crochet
couleuvre colophane et crochet
je sens déjà son haleine, il a bu du lait avant de venir, le village raconte qu'à la tombée de la nuit, il entre dans l’enclos et boit du lait aux mamelles des chèvres, on raconte encore d'autres choses mais je ne veux pas le savoir, Kouka maintenant est tout près de moi, il se dresse au-dessus de moi comme une tour en pierre, je suis un papillon de nuit fixé à un mur de brique par les épingles de son regard, ses yeux ne brillent pas car les braises ne brillent que lorsqu'on les allume, ses yeux sont noirs, comme s'il manquait des yeux, manquait un homme derrière eux
Kouka, non, lâche-moi
va jouer avec les garçons sur la colline, je les ai vus en venant ici, ils y sont encore, ils jouent au tchilik8, moi je vais rentrer chez moi et je ne dirai à personne que tu étais ici
je n'aurais pas dû dire cela, les mains puissantes de Kouka me saisissent par la taille et tous les deux nous titubons vers les seaux à lait, nous tombons et les seaux se mettent à tinter comme des cloches, les seaux de lait sont nos seaux nuptiaux, ma robe nage dans une gélatine de lait et de boue, les seaux tintent au rythme du cavalier, dzin-dzin-dzin-dzin et encore plus vite, dzin-dzin-dzin-dzin
éloigne-toi de moi, espèce de taré
la main de Kouka presse ma bouche, la main de Kouka fait maintenant partie intégrante de mon visage, j’accepte cette main et ce corps étranger comme tant les miens, dzin-dzin-dzin-dzin, je ne suis plus dans ce tableau, j’observe tout de l’extérieur, mes cheveux nagent dans le lait tiède, mon regard fixé sur un petit trou dans le mur qui bouge au rythme du cheval au galop, je ne l’avais pas vu jusqu’à présent, mais il laisse entrer de la lumière, le trou dans le mur, oui, oui, je le vois pour la première fois, à partir d’aujourd’hui, ce trou existe parce que je le vois, ce trou fait mal, très mal
est-ce que tu es pure
pure
ne pleure pas, Bekia, à cause de la douleur, quelle reste ici, j’entends ma mère et le lait de la vie éclabousse ma robe noire, et les cloches se taisent, la couleuvre est repue, je ferme les yeux
l’œil de la couleuvre est un crochet, bien aimée
l’œil de la couleuvre est une oreille
après la respiration
Kouka se lève, serre son pantalon avec la ficelle de sisal, il a les joues brûlantes,
Il sourit et me jette un regard, me voit pour la première fois, salut Bekia, tu viens d’arriver, je touche là où c’est mouillé, sur mes doigts – du sang.
est-ce que tu es pure, Bekia,
pure
le garçon à son papa
combien de litres elle a donné aujourd’hui la vache demande Kouka et il donne un coup de pied dans un caillou, se met à jouer avec, à la poursuivre, il le frappe comme un ballon, joue et frappe : un enfant
un petit garçon qui ne vaut pas vingt bœufs, ce que je vaux, moi, parce que c’est un homme, un vrai homme maintenant, à votre avis est-ce que c’est moi qu’on aurait crue ou lui, ce n’est pas la peine que je le dise à qui que ce soit, je me lève et me penche au-dessus du lait, je m’en asperge le visage, j’en asperge là où c’est rouge, ça coule rose le long de mes cuisses, je serre ma tresse, lisse mes cheveux en arrière
je sais ce que je vais faire dès ce soir
l’enfant me voit et arrête de donner des coups de pied dans le caillou
tu es jolie, tu veux que je te raccompagne jusqu’à chez vous, il fait déjà nuit
non, Kouka, je vais rentrer seule
même dans le noir je connais le chemin jusqu’à la maison
[...]
Le ruban noir
depuis que je suis née
je veux que maman m'habille
avec des vêtements bleus seulement
si elle m'habille dans une autre couleur
je me mets à pleurer
parce que déjà dans le ventre de ma mère
j'entendais différentes choses
comme mon père qui disait
iskam sinn - je veux un fils
Bekia ma fille, tu nous as anéantis, comment ça, devenir ostaïnitsa, je le veux, maman, dans ce cas, considère que l’honneur du jeune marié est bafoué, tu vas nous engager dans une vendetta, tu nous as anéantis, maman, tu nous as anéantis, comment ça, ostaïnitsa, qu’est-ce qu’on n’a pas fait pour toi, quel diable s’est logé dans ta poitrine, tais-toi, sorcière, c’est sa volonté, selon le Kanun, elle peut se rétracter avant la noce et devenir une ostaïnitsa, ce n’est pas la première, ce n’est pas la dernière dans ce village, nous défendrons l’honneur de la lignée et le sang sera versé, tout comme il se doit, le Kanun au-dessus de tout, Bekia, choisis, mon père me tend le ruban noir
qui a dit qu’on ne pouvait pas toucher la mort
on peut, sur le bras d’un condamné à mort, le ruban noir sur le bras d’un homme sur deux au village, de tous ceux qui sont engagés dans une vendetta, de tous ceux qui doivent mourir, de tous ceux qui doivent tuer, Nemania doit tuer un homme de notre lignée pour recouvrer l’honneur, Bekia, choisis, moi ou ton frère
mon frère pleure, sans larmes sur son visage, mon père respire difficilement, le Kanun a fini par arriver jusqu’à lui, il gonfle sa poitrine de sa suprême loi, la loi de l’honneur, papa lève le bras gauche, ma mère pleure, je regarde le bras de mon père, s’il pouvait lever son corps tout entier pour cet honneur, s'il pouvait ne pas mourir de maladie, ou dans son sommeil, s'il pouvait mourir avec un honneur large de deux doigts sur le front, il suffit d'un seul mouvement de ma main et le tableau se défait, Bekia, choisis, l'air devient plus dense, le plafond s'incline
ça ne devait pas se passer ainsi
la couleuvre a faim nourris-la
jeune épousée de lait abreuve-la
Les épaisses poutres de plus en plus proches de nos deux têtes, je saisis le bras de Salé et y mets le ruban noir, ma mère a un sanglot comme sanglotent les mères lorsqu'elles comprennent que leur fils est mort sur le front, sa longue jupe balaie la pièce et se tord derrière la porte comme une fumée noire, le plafond s'est remis en place, l'air a commencé à se diluer, la respiration à revenir
Salé ne bouge pas, il ne tremble plus, ne pleure plus,
Salé maintenant est mort et ne respire plus
à toi de décider de préserver ta virilité, Salé, à toi de décider de la salir, dit mon père, il embrasse mon frère sur ls joues et sort de la pièce
le voilà ton fils, Mourad, le voilà, ma mère hurle dans la cavé, ses pleurs imprègnent toute la maison, ils passent à travers les poutres, en haut, franchissent le plafond, poussent les tuiles du toit, l'une d'elles tombe sur le ciment, le chat bondit dans le buis, le hurlement de ma mère se propage au-dessus de toutes les maisons du village, à la recherche d'une fenêtre ouverte
1« Bleu » et « fils » sont des homonymes en bulgare (sinn).
2Kanun : le Kanun de Lekë Dukagjini, ensemble de lois albanaises archaïques (N. de l'A.).
3Mot employé quand on s'adresse à un frère ou à un jeune homme plus grand que soi.
4Bouillie de farine de maïs.
5Mou, mollasson, sans caractère (turc : gevşek).
6Comptine chantée pour éliminer ou choisir quelqu'un ou quelque chose (comme am-stram-gram).
7Petit déjeuner « du pauvre » fait de pain sec, d'eau ou de tisane, de sucre et de fromage.
8En turc : çelik. Ce jeu se joue à deux équipes de joueurs qui doivent envoyer avec un bâton un morceau de bois entaillé de chaque côté (le tchilik) dans un cercle, ou un trou, situé à une certaine distance. L’équipe adverse doit défendre le tchilik et le saisir au vol.