La critique et Théodora Dimova
«Selon les distributeurs, Eminé est un titre phare sur le marché du livre. Rien d’étonnant à cela, car son auteur, Théodora Dimova, est déjà un nom affirmé dans la dramaturgie bulgare.»
Dnevnik (Bulgarie)
«Un livre important pour la littérature bulgare»,
Literatouren vestnik (Sofia)
«Le premier roman de Théodora Dimova, connue jusqu’à présent uniquement pour ses pièces de théâtre, promet dès le premier abord d’être un événement pour la littérature bulgare.»,
Koultoura (Sofia)
Bulgarie: une pièce de théâtre sur la «bulgarisation» forcée des Turcs
TRADUIT PAR ATHANASE POPOV
Publié dans la presse : août 2004
Mise en ligne : mardi 5 octobre 2004
La dramaturge bulgare Teodora Dimova vient de publier une pièce évoquant le drame vécu par la population turque de Bulgarie, soumise à une campagne de «bulgarisation» forcée par les autorités communistes dans les années 1980. Un thème toujours très rarement évoqué.
Tema (T): Madame Dimova[[1], la revue Săvremennik[n° 2 pour 2004] a publié votre dernière pièce intitulée Les mécanismes du pardon. Elle constitue la première œuvre artistique à puiser la matière de son sujet dans ce qu’on a coutume d’appeler «le processus de régénération nationale»[2]. Sur la scène de quel théâtre pourrons-nous voir la première représentation?
Teodora Dimova (TD): Pour le moment, la seule chose qui soit sûre, c’est que la pièce ne sera pas jouée au Théâtre National. Elle attend toujours de trouver son metteur en scène et son théâtre.
T: On dit déjà qu’elle a été exclue du répertoire du Théâtre National pour des motifs politiques. Est-ce exact? Qui a refusé le texte et pour quels motifs exactement?
TD: Vasil Stefanov, le Directeur du Théâtre National - quelqu’un qui a une vaste érudition et qui est respecté dans le milieu du théâtre, - a été tout à fait franc avec moi en refusant la pièce. Il a dit qu’eu regard de ses qualités littéraires, il ne risquerait rien à entreprendre la mise en scène, car la pièce aurait du souffle et aurait été écrite avec talent. Mais par contre il ne pourrait soi-disant pas prendre de risques politiques. En effet, si elle était jouée sur la scène du Théâtre National, elle ne pourra pas être interprétée autrement que comme une accusation directe envers un parti qui s’apprête à s’emparer du pouvoir et à diriger le pays [Il s’agit du BSP (PSB), au pouvoir depuis 2005]. Le processus de régénération nationale, m’a dit le Professeur Stefanov (et je le rejoins en tous points), c’est une plaie purulente qui ronge la société, et à laquelle tout le monde veut échapper. En fin de compte, c’est une pièce politique. Et ce n’est pas le Théâtre National qui la produira. Telle est la politique du théâtre. Quoi qu’il en soit, je suis reconnaissante envers le Professeur Stefanov pour sa sincérité. Parce qu’il aurait pu rejeter la pièce pour des raisons «purement esthétiques». Ce qu’il n’a pas fait.
T: Pensez-vous qu’il s’agisse d’une décision personnelle? N’aurait-il pas subi des pressions de la part de la force politique qui s’apprête à gouverner?
TD: Je ne crois pas que des pressions aient été exercées. Il a dit qu’en quinze ans, pas une seule personne n’a été condamnée en raison du processus de régénération nationale. Est-ce au théâtre qu’il revient de désigner, d’accuser, de rechercher les coupables? Selon lui - non. Selon moi - oui. Puisque la société est affectée par cette plaie, cette plaie purulente qui couve en nous et sévit de plus en plus imperceptiblement, la littérature se doit de prendre position. Je suis stupéfaite par le fait qu’à ce jour, il n’existe que trois ou quatre documentaires sur le processus de régénération nationale. Celui-ci représente un tel abîme de destins, de bouleversements, de cataclysmes, de catharsis qu’il constitue une véritable mine pour la littérature, aussi égoïste que cela puisse sembler de le dire.
T: La mine, en tant que matériau littéraire, a beau être inépuisable, personne n’y touche. Qu’est-ce qui vous à motivée, vous en particulier? En effet, la thématique est très politique, vous risquez d’être accusée d’écrire sur commande ou pour faire votre promotion personnelle?
TD: Quiconque a lu la pièce comprend aussitôt que ce n’est pas une œuvre écrite sur commande. Car, je l’espère, on y trouve exposés sinon tous, du moins presque tous les points de vue. La glace est très fine. L’équilibre est extrêmement fragile. Nous autres Bulgares sommes on ne peut plus sensibles, et non sans raison. Pourtant, nous avons causé des souffrances, qui plus est énormes, à des gens parfaitement innocents. La politique du PCB n’est pas seule en cause, ni son appareil répressif, car le sont aussi des gens ordinaires qui ont infligé des souffrances à leurs voisins et compatriotes. La question est aussi bien politique que profondément morale. Mes personnages n’ont rien à voir avec quelque mouvement politique que ce soit. Ce sont des gens parfaitement ordinaires, dont la vie change du tout au tout à cause de la violence qu’ils subissent. La pièce ne traite que de ce qui est proprement humain.
T: Comment avez-vous mené vos recherches sur le thème du processus de régénération nationale? Vos personnages sont-ils fondés sur des prototypes?
TD: J’ai fait connaissance avec des dizaines de victimes des régions concernées. Je leur expliquais que je voulais écrire une pièce ou un roman. Au début, tout le monde se renfermait, ne voulant pas parler; les gens en avaient marre d’être questionnés à ce sujet. J’ignore comment je suis parvenue à converser avec eux, à gagner leur confiance, je l’ignore vraiment. (...)
T: Combien de temps ce travail vous a-t-il demandé?
TD: L’écriture, c’est la partie la plus facile du travail d’un écrivain. C’est la concentration qui compte, de même que l’énergie intérieure, l’intensité qu’il porte en lui au moment d’écrire. J’ai sillonné le pays plusieurs mois durant pour rencontrer ces gens. Ensuite, j’ai passé quelques mois supplémentaires à écrire la pièce.
T: La publication de la pièce a-t-elle éveillé un écho?
TD: Pas pour l’instant. Bien entendu, je suis très curieuse de voir quelle attitude vont adopter les gens au pouvoir qui ont subi ces processus. Si tant est qu’ils la lisent!
T: Pour qu’on la prenne plus au sérieux, dites-nous quel est son principal message.
TD: Je n’ai pas entrepris d’écrire la pièce afin d’incriminer le communisme. C’est quelque chose que l’on fait depuis déjà quinze ans, et tout le monde s’en est lassé. Ce qui m’a frappée, c’est que chez aucune victime, on ne trouve la moindre velléité de vengeance. Bien au contraire. Tous, semble-t-il, ont pardonné. Ils ont pardonné en leur for intérieur, en leur âme et conscience. À présent, ils veulent oublier. J’ai été bouleversée par le fait que sans aucun repentir de la part des responsables, sans qu’on leur ait demandé pardon, sans qu’il y ait eu de condamnations ou de coupables [désignés], sans qu’on leur ait ordonné de le faire, ils ont pardonné. C’est là un grand exploit spirituel. Surtout par contraste avec les énergies nauséabondes qui sont répandues dans la société bulgare. En tant qu’écrivain, je m’intéresse non pas au mécanisme du mal, mais bien à la manière de le surmonter.