Rues imprévues (extraits traduits)
Ivanka Moguilska
Rues imprévues
roman, éd. Janet-45, 2013, 286 pages
Extraits traduits par Marie Vrinat
Sofia, février 2012
J'ai rencontré un homme. Je n'ai pas fait attention à lui avant qu'il ne commence à jouer. Après, je n'ai fait attention à rien d'autre. Il avait les yeux fermés, son visage et son corps se tordaient comme de la lave coulante, ses mains étaient si rapides qu’elles paraissaient ne pas exister. Lorsqu'il s'est arrêté de jouer, il s'est pétrifié.
J'ai sorti la première chose qui m'est tombée sous la main : l'une des deux photos de la ville qu'Ossip m'avait données. Un vieux bâtiment en piteux état, avec l'enseigne d'un club de jazz à l'entrée, et, au bout de la rue, un marché couvert. J'ai griffonné quelques mots au dos de la photo et suis allée vers lui. Je la lui ai tendue. Il a regardé la photo, a lu la dédicace, m'a regardée – ses yeux sont d'un bleu délavé, comme des lacs gelés. On y tombe et s'y cogne. Il allait dire quelque chose, mais des gens l'ont entouré, je les ai entendus le complimenter, lui demander quand il repartait. C'est ainsi que j'ai appris qu'il repartait aussitôt. Un avion l'emmènera dans une ville dans laquelle je ne suis jamais allée. Il est parti.
J'ai rencontré un homme. Je ne lui jamais parlé, mais je l'aime et je veux le revoir.
Budapest, février 2012
J'ai rencontré une femme. Je n'ai pas fait attention à elle avant de commencer à jouer. Lorsqu'elle écoute de la musique, elle ressemble à de l'eau – elle prend la forme de la mélodie. Recouvre tout avec elle. Lorsque j'ai ouvert les yeux, j'ai croisé les siens. Ses yeux sont comme du chocolat brûlant. Son regard a adhéré à moi et je sombrais, j'étouffais, j'en étais heureux.
Elle m'a tendu une photo. Avec une dédicace. Je ne la connais pas. Je ne sais pas comment elle sait que j'ai joué dans ce bar peu avant qu'il ne cesse d'exister. Mais au bout de la rue, il n'y a jamais eu de renfoncement avec des boutiques.
Je voulais demander quand la photo avait été prise, mais diverses personnes m'ont accaparé de tous côtés et m'en ont empêché. Je l'ai rangée avec l'accordéon avant de partir pour l'aéroport.
Sofia, début février 2012
– Que sais-tu des paquebots, doura1 ? Des paquebots sur lesquels ont voyagé les futurs Américains ? Que sais-tu du début du siècle dernier ? À cette époque, ma grand-mère portait un petit chapeau sans bord avec beaucoup de paillettes, un collier qui lui arrivait aux genoux et une robe qui laissait le dos nu et poussait les hommes à tousser longtemps à cause de la fumée de leurs cigares. J'aimerais être né à cette époque et avoir vécu là, sur un paquebot avec piano et dancing. Chaque soir, j'enfilerais un smoking, nouerais un nœud papillon et descendrais sur le premier pont où m'attendrait la femme de ma vie pour cette navigation. Elle me tendait sa main gantée de dentelle pour que je la conduise dans la salle de danse. Au petit matin, je l'embrasserais avant que ne l'aient embrassée les premiers rayons du soleil et m'endormirais, débordant de musique et des mouvements de la mer. Sais-tu que, lorsque tu as dansé toute la nuit, en réalité tu n'as fait qu'imiter les mouvements des vagues.
Les yeux verts d'Ossip me regardent, moqueurs. Il est de bonne humeur. Il danse entre la cuisine et le salon, renverse du café dans les tasses et autour d'elles, me met des disques. Je ne connais personne d'autre qui écoute du jazz sur un gramophone tôt le matin et boit son café dans une tasse en porcelaine de Chine.
À dire vrai, je ne connais personne d'autre capable de vivre dans plusieurs époques à la fois, or il le maîtrise à la perfection. D'habitude, la plus précieuse à ses yeux est la plus lointaine dans laquelle il puisse se cacher. Parfois, il s'habille en costume noir, met des gants, une fleur au revers, un haut-de-forme. Il se promène dans la maison tandis que retentit, sur le gramophone, Puttin'On the Ritz, et esquisse un pas de danse. Je l'ai déjà vu plusieurs fois, un Fred Aster vivant, mais en un peu plus grand, avec sa canne, ses chaussures à claquettes et les yeux brillants, comme s'il dansait devant des dizaines de personnes qui le regarderaient en oubliant de boire leur verre, de fumer, de se réunir ou de se séparer. Ensuite, il se sert à boire, ainsi qu'à ses invités. Il s'assied près d'eux à la table de la cuisine, avec son queue-de-pie, ses gants et sa canne dans une main, et boit une gorgée. « Fut un temps, douratchka, où les gens vivaient avec panache, ce que nous ne savons plus faire, maintenant, même si on s'entraînait toute notre vie. Il y avait de l'art, il y avait des gestes forts ! Tu te rends compte, douratchka, c'est entre deux verres et trois danses que l'histoire s'est écrite ! »
Cet homme dans la fleur de l'âge accorde si peu d'attention au quotidien que c'est une pitié de voir ses élèves au cours de claquettes. En rangs d'oignons, sans chaussures adaptées. Atterris ici par hasard ou par obligation, car, n'est-ce pas, un acteur doit aussi connaître ces danses. Ils sont là, à attendre qu'il leur montre les pas de base, qu'il leur apprenne quelques mouvements, comment claquer en rythme, et lui, il leur parle à eux aussi des gestes forts et de la danse qui est comme une mer.
Les filles – extrêmement maquillées et le regard blasé – ne comprennent pas pourquoi cet homme , si beau, si vif, ne les voit pas, ne veut pas leur apprendre à danser en les serrant contre lui, au lieu de leur parler des heures durant de la manière dont elles doivent évoluer comme une vague et passer à travers toutes les humeurs de la mer. Les garçons le croient timbré. Plantés aux fenêtres devant l'Académie de danse, le qualificatif le plus soft qu'ils laissent échapper de leurs lèvres dédaigneusement serrées, entre lesquelles pend une cigarette – parce que c'est tellement viril – est « dingue ». Une fois dans la salle, ils chuchotent dans son dos et regardent leurs montres en cachette.
J'avais entendu tellement d'histoires aberrantes sur le prof de danse que, lorsque je suis allée chercher ma copine au cours de claquettes, je ne l'ai pas reconnu. Je n'ai pas compris que c'était là l'homme qui était la risée de tous. Je me suis dit que leur prof devait être malade et qu'il avait été remplacé par un autre.
Je suis tombée amoureuse de manière classique : le coup de foudre. Le temps s'est arrêté, ce qui était génial, parce que c'était la seule façon pour moi de le rencontrer vraiment. Grâce à Ossip, à son habitude de fuir le présent, à son amour pour la comédie musicale et le jazz des années 1930, j'ai vécu toute une année dans cette période. Puis je l'y ai laissé et suis revenue à la réalité. Il n'est pas possible de vivre avec un homme qui ne sort pas de la machine à remonter le temps. La seule issue est de ne pas la quitter non plus soi-même, or, l'écriture est un autre type de voyage.
Ossip est la personne la mieux informée de la ville. Il collectionne des histoires quotidiennes de gestes forts. Tous ces moments secrets, douloureux, de derrière les coulisses, que l'on vit avec tourments, il les flaire. Toujours. Les gens lui font confiance et parlent. Les uns parce qu'ils savent qu'il les comprendra, les conservera, ils savent que les mots ne s'embrouilleront pas dans sa bouche et ne retomberont pas, dévalorisés, sur le sol. D'autres parce qu'ils sont sûrs que, tôt ou tard, il les racontera à quelqu'un d'autre, et de telle manière que leur vie se transformera, au moins pour quelques minutes, en légende. D'autres encore parce qu'ils sentent qu'il est comme eux, et qu'il a tout simplement choisi une manière de fuir plus étrange.
Le café est servi, le disque changé, Ossip s'est enfin installé en face de moi, d'une vivacité épuisante pour neuf heures du matin :
– Raconte, Doura, ce qui t'amène chez moi ? Ce serait bien que tu me donnes l'illusion d'être venue uniquement parce que tu voulais me voir.
– Je ne peux pas, Votre Splendeur dansante, je viens pour le travail. J'ai besoin de savoir tout ce que tu peux me raconter sur Max Reinhardt.
– Il n'a pas dansé les claquettes, Doura, et pourtant, il a fait partie de ceux qui portent la mer dans leur âme. Il l'a tout simplement exprimé d'une autre manière. – Il se lève et arrête le gramophone.
Max s'était transformé en Reinhardt quelques années après avoir quitté le pays. Une fois son diplôme en poche, il avait disparu. Au bout d'un certain temps, on avait commencé à mentionner son nom de plus en plus souvent sur les pages des journaux français. « Le scénographe Max Reinhardt, qui s'est enfui de Bulgarie il y a quelques années,... »
– Comme tu peux t'en douter, ce n'est pas son vrai nom de famille.
– Il porte celui du metteur en scène2 ?
Pourquoi n'a-t-il pas gardé son nom et pourquoi a-t-il choisi celui-ci précisément ? On ne le sait pas exactement. Le temps a passé. Il devenait de plus en plus célèbre. Si l'on passe au crible les archives des revues et des journaux des années 1970 et 1980, on peut trouver des photos : lui sur le tapis rouge ; dans une extraordinaire voiture de sport sans toit ; tenant par la main une actrice au sourire charmeur, qu'on a vue dans des milliers de films en soupirant : « quelle classe ! »
Il a vécu à Paris, Rome, Barcelone, ne s'est pas marié, n'a pas eu d'enfants. Il a reçu un prix à Cannes à l'âge de cinquante-deux ans : succès vertigineux. Ensuite ont eu lieu les changements dans notre pays et, cinq ou six ans plus tard, il est revenu. Il n'a participé à aucune production bulgare. On ne sait pas s'il a entretenu des liens avec des amis. Sans doute que non. Il n'y avait personne pour l'attendre. Reinhardt était une star et il était revenu pour proposer un projet : la construction d'une ville immense – un décor permanent – au bord de la mer. Il voulait y rassembler des rues, des places et des bâtiments des plus belles villes du monde, afin qu'on puisse y tourner un grand nombre de films différents. Il avait garanti que l'endroit deviendrait une base extraordinaire qui servirait durant des décennies. Dans les zones où l'on ne tournerait pas, il était prévu que des touristes se promènent, prennent des cafés, aillent dans des parcs d'attraction, bref, qu'ils s'amusent comme au cinéma.
Il avait trouvé des investisseurs étrangers, il ne lui fallait plus que soutien et autorisation. Il les avait reçus et le travail avait commencé. En réalité, le projet était prêt depuis longtemps. Le bruits courait que Reinhardt y avait travaillé toute sa vie durant. Les journaux suivaient avec curiosité le déroulement des événements. Les télévisions l'invitaient à des interviews. Il était toujours accompagné d'un producteur français : Vernan. Les actrices rivalisaient pour l'avoir à leur table à dîner et lui offrir des cadeaux. On savait que le premier film tourné dans la ville nouvelle serait une production grandiose et qu'il en était évidemment le scénographe. On chuchotait qu'il avait embauché ds scénaristes et cherchait un réalisateur. Tout leur paraissait totalement contraire à la pratique habituelle de création d'un film et, malgré tout, dans l'ordre des choses. Car, n'est-ce pas, il était question d'une star de rang mondial ! Pourquoi ne se permettrait-il pas des bizarreries ?
Plusieurs rues de la ville étaient construites, le travail ne cessait pas. Exactement comme l'avait voulu Reinhardt, de la Plaça de Catalunya de Barcelone, on arrivait au Quartier latin à Paris et, en empruntant de petites ruelles sinueuses d’Istanbul, on débouchait sur des rochers féeriques surplombant la mer. Malgré tout, le film était encore gardé secret. Tous frémissaient d'impatience : comment serait-il ?
Le travail se poursuivait mais des bruits commençaient à courir, selon lesquels Reinhardt aurait disparu. Le producteur français le réfutait. D'après ses explications, son collègue avait besoin de calme et de concentration, aussi avait-il cessé de donner des interviews et de se montrer dans des endroits publics. Au début, même les investisseurs l'avaient cru, sauf que Reinhardt ne se montrait ni sur le chantier ni aux réunions de travail, et ils avaient commencé à s'inquiéter. Les journalistes flairaient le scandale et, peu de temps après, on avait vu apparaître dans les journaux des titres comme : « « Un scénographe et un producteur réalisent la tromperie de la décennie ! ». Ces articles avaient coïncidé avec les premières faillites de banques en 1996. Le producteur n'était pas en mesure de se battre contre ces accusations et la cause en était qu'il ne pouvait ou ne voulait pas dire où se trouvait Reinhardt.
Le principal moteur du projet avait disparu et personne ne savait où le dénicher. Il s'avérait qu'aucune de toutes les actrices n'avait réussi à aller plus loin qu'un dîner amical avec le célèbre bon vivant. Reinhardt n'avait pas de proches, il n'avait pas de maîtresse, pas d'amis. Mis à part les investisseurs et les journalistes, personne ne s'émouvait de sa disparition soudaine. La police avait procédé à une enquête. La presse était restée aux aguets durant un certain temps, attendant de voir si un citoyen consciencieux signalerait, par exemple, le cadavre d'un inconnu, un homme d'environ soixante ans, trouvé dans la rivière Perlovska. Personne n'avait rien signalé. Les investisseurs n'avaient sans doute pas trouvé à leur goût cette combinaison de disparition sans traces dans des circonstances demeurées inexpliquées, de producteur menteur et d'économie de moins en moins stable.
– Tu te rappelles sans doute, Douratchka, les faillites bancaires ? Les queues formées par ceux qui allaient chercher leur argent, et ensuite, ces mêmes gens qui attendaient devant les bureaux de change en regardant changer presque toutes les minutes les chiffres du tableau qui indiquaient le cours des différentes devises. Il est probable qu'on vous ait mis alors en vacances de bois3, ou que vous ayez séché les cours pour aller aux meetings – Ossip ressert du café sans regarder sa montre. Je me dis qu'il va être en retard pour ses cours à l'Académie, mais je n'ai pas envie de l'interrompre.
– Je me souviens du froid, des gens qui sautaient sur place et hurlaient, des concerts, le soir, sur la place... Je ne me rappelle pas avoir lu de journaux.
– Même si tu en avais lu, ça n'a aucune importance, les événements étaient trop nombreux et trop importants pour que quelqu'un s'intéresse longtemps à un scénographe disparu, même si c'était une star. Les gens avaient l'impression que leur vie fondait avec leurs économies. À part les investisseurs, il n'y avait personne pour penser à des millions étrangers supposément volés.
Malheureusement ou heureusement pour Reinhardt, le scandale n'a pas duré longtemps. Les gens étaient plus occupés à amasser des tas de pierres près des bâtiments centraux du Parti dans les différentes villes, à écouter des chants datant du Réveil national4, à sautiller sur place et à espérer que, cette fois, la chance leur sourirait.
Le temps passait, le pouvoir a changé de mains, les émotions ont perdu de leur éclat, on a tout oublié. Seules demeurent, au bord de la mer, à l'emplacement de l'ancienne zone militaire du cap Kaliakra, quelques villes et places recouvertes d'herbes folles, et Ossip s'y est promené en personne.
– Je suis en retard pour mon cours, dit-il en se levant brusquement.
– Pourquoi s'est-il enfui lorsqu'il était jeune ?
– On ne le sait pas exactement, Doura.
– Pourquoi a-t-il décidé de construire cette ville fantasmagorique en Bulgarie ? Pourquoi pas quelque part près de Paris ?
– Sans doute par nostalgie pour le temps passé, pour sa jeunesse, la terre natale. Il est possible que soit né en lui un désir de laisser une autre trace en plus de ses films, et ce, précisément ici, où il est né.
– Pourquoi a-t-il disparu ?
– Avec tant d'inconnues concernant sa vie, est-ce que quelqu'un peut répondre à cette question ? – grommelle Ossip pendant que nous entrons dans l'ascenseur. – Et quel besoin as-tu, Doura, de savoir tout ça ?
Nous sommes déjà au rez-de-chaussée.
– Parce que je l'ai trouvé.
[…]
Budapest, février 2012
Après tant de jours passés dans des vols et des concerts, enfin à la maison. J'ai vu mes amis, embrassé ma bien-aimée, j'ai joué, joué, joué. J'ai bu mon café du matin près de la fenêtre. En regardant la rue. J'ai joué. Je dispose de quelques heures encore avant de faire mes bagages et de reprendre la route.
Je me rends rue Kertesz. Le bâtiment est là. Pas l'enseigne. Je ne me rappelle plus quand elle a été enlevée. Elle a été ballottée par le vent en grinçant un certain temps, toute rouillée. Sur la photo, l'enseigne est relativement neuve. Un peu tachée, seulement, par la saleté de la ville. Pas de rouille. Comme si, tiens, maintenant, les portes allaient s'ouvrir, laissant se faufiler quelques personnes à la démarche vacillante. Comme si, tiens, maintenant, j'allais sortir du bar en compagnie de mes camarades de fac. Nous partirons dans les rues de Pest. Les gens nous contourneront pour ne pas se heurter à nos instruments. De nouveau, nous seront les maîtres des rues les plus larges et des plus étroites. Aucun accident ne se profile à l'horizon. Mais je sais malheureusement : il n'y a plus que des vagabonds qui sortent d'ici. Je laisse derrière moi le mystère et me mets en route pour le résoudre.
Viktor est un ami depuis mes années de fac. Un homme de haute taille, joufflu, aux lèvres légèrement boudeuses et aux cheveux frisés un peu trop longs à mon goût, qu'il ramène derrière l'oreille. Un architecte. Dans le café, il fait bien chaud. Il est assis devant un verre de cognac et regarde par la fenêtre. Lorsque je lui tends la photo, il cille un bon moment et l'examine avec perplexité.
– C'est quoi ?
– C'est une femme qui me l'a donnée. J'aimerais savoir si, au bout de cette rue, il y a eu un marché couvert.
– Hm... c'est la rue Kertesz. Je ne me souviens pas qu'il y en ait eu.
– Moi non plus. Je voudrais que tu vérifies. S'il te plaît. Peut-être avant...– On va encore parler du bar ? J'en ai marre. – Il commence à enrouler nerveusement ses cheveux. Je ne peux pas le regarder quand il fait ça. J'ai l'impression de voir une petite dame hystérique qui n'élève pas la voix parce que ça ne se fait pas, et qui fait passer toute sa fureur sur ses boucles.
– Viktor, bientôt tu vas ressembler à une demoiselle de la Renaissance.
– Quoi ?
– Tu t'arraches de nouveau les cheveux. Sois plus zen, il n'y a rien de dramatique.
– Arrête de chercher midi à quatorze heures. Ce bar, quel âge a-t-il d'après toi ?
– J'ai joué à son trentième anniversaire. Peu après, il a fermé. Toi et moi, on se rappelle très bien pourquoi. Bientôt, tu n'auras plus de frange.
– Je suis formel : même il y a trente ans, il n' y avait pas de marché couvert. Tu connais parfaitement l'endroit. Son histoire dans les moindres détails. J'en ai marre de ruminer tout ça sans cesse avec toi. Angelika n'y est pour rien, tôt ou tard, ça serait arrivé.
– On ne parle pas de ça. Je veux savoir si, là-bas...
– Non, il n'y a jamais eu là de marché couvert.
– Oui, mais...
– Je te l'ai déjà dit plusieurs fois, il y a eu d'autres tentatives de fermer ce bar que tu aimes tant, mais des intérêts s'en mêlaient toujours. Ce qui explique que tu aies pu jouer à son trentième anniversaire. Sans Angelika, ne fais pas cette grimace, ou plutôt la renommée de son défunt mari, ainsi que l'étrange accident, il est probable qu'en descendant un jour à la cave, tu serais resté sous les briques et les poutres au lieu de me tourmenter maintenant avec ta nostalgie pour quelque chose qui, de toute façon, s'est détruit et qui était con-dam-né !
Je remarque quelques cheveux restés dans sa main. Il boit une gorgée et je réussis à m'incruster dans la pause.
– C'est fini. Promis. S'il te plaît. Vérifie seulement s'il y a jamais eu de marché couvert.
– D'accord, mais la photo est probablement un montage. Va plutôt voir un photographe et montre-lui. Et tu l'as prise où, au fait, cette photo ?
[…]
Sofia, février 2012
– Tu n'es pas particulièrement habile dans les dialogues, Margarita, tu sais ? Tu peux arriver à tout à condition de t'exercer. Tu as besoin d'apprendre non seulement à voir, mais aussi à entendre. Les personnages ont des voix. Laisse-les parler, écoute leur timbre, leurs pauses illogiques, le souffle qu'ils reprennent. Mémorise ce qu'ils accentuent et ne corrige pas leurs phrases, n'interviens pas dans leur argot. Calme tes mains avant de commencer à écrire des répliques. Comment, sinon, auraient-ils confiance en toi ?
Toute une série de matinées, avant qu'on mette en marche le dictaphone, Max me force à parler, à raconter, à inventer, à écrire des dialogues. Il s'amuse avec moi en énonçant des situations, il se cache dans le salon et donne les répliques de là-bas. La condition est que je réponde rapidement. Le piège, c'est qu'il me demande des choses que je ne pourrais pas dire dans une conversation. Elles sont trop personnelles. Au début, je bloquais souvent, je n'arrivais pas à faire les exercices. « Ce n'est qu'un jeu, Margarita » – j'entends la note apaisante dans sa voix chaleureuse.
Je continue à rapporter les courses du magasin de ma propre initiative. Je ne me laisse pas troubler par les regards réprobateurs de Katia, lorsque je prends le sac. Un jour, elle me dit : « Ma chérie, il est vraiment trop vieux. » Je ne trouve rien à répondre.
Lorsque Max se fatigue, nous prenons place autour de la table de la cuisine, allumons une cigarette, je mets en marche le dictaphone et le temps se met en vacances, parce que dans ses histoires toutes les temporalités se réunissent. Parfois, je me dis que ce n'est pas moi qui devais le rencontrer, mais Ossip.
[…]
Sofia, 1993/début de mars 2012
J'écoute les enregistrements prêts encore et encore.
Il y avait longtemps que Reinhardt ne la cherchait plus, ou, du moins, pas comme il le faisait au début. Il n'interrogeait plus les gens, ne fréquentait plus de soirées ni de déjeuners de gala, il ne mettait plus les pieds dans la librairie russe ni dans le restaurant, il attendait tout simplement que le hasard la lui amène.
– Comment savais-tu qu'il te l'amènerait ?
– Je ne savais pas.
– Il te l'a amenée ?
– Non.
Le matin qui suivit la remise du prix, alors qu'il espérait que son visage soit exposé partout, en Europe, dans les kiosques à journaux, il fut tenté de croire que, malgré tout, où qu’elle soit, elle ne pouvait pas ne pas le reconnaître. Elle ne pouvait pas ne pas éprouver de la fierté et de la tristesse, elle ne pouvait pas se contenter de tendre l'argent de son magazine préféré en détournant le regard à gauche des quotidiens, comme si de rien n'était. Ce n'était pas logique, non ? Mais même après cela, elle ne l'avait pas trouvé et il était rentré pour créer la ville.
– Que s'est-il passé pour que tu renonces ?
– J'ai renversé une femme avec ma voiture.
– Tu l'as tuée ?
Lorsqu'il était rentré en Bulgarie, il avait pris l'habitude de faire un tour en ville, le soir, dans Sofia : il apprenait à la connaître à nouveau. Il explorait les quartiers. Parfois, il s'asseyait dans l'un des nombreux cafés de garages5, écoutait les gens débattre de politique et de foot avant de remonter dans sa voiture et de continuer.
Ça s'était passé alors que le travail était à son apogée. Toutes les négociations étaient terminées. Reinhardt pouvait tranquillement partir sur le chantier et ne plus revenir à Sofia. Le soir avant son départ, il avait décidé d'examiner ce qui était resté de la « Fabrique de sucre6 ». Il était content de s'être retrouvé dans la vague de feux verts et de pouvoir faire le tour de la ville sans s'arrêter.
– Cela te paraîtra peut-être risible, Maragarita, mais j'ai toujours pris ce genre de coïncidences fortuites pour un signe d'approbation de la part de quelque chose, de quelqu'un, comme si le destin hochait la tête pour m'encourager : « Tu es sur le droit chemin. » Imagine un peu : je conduis dans des rues dans lesquelles je ne suis pas passé depuis plus de trente ans, çà et là, je reconnais des endroits et des bâtiments et je ne m'arrête nulle part. Dès que j'approche d'un feu, il passe au vert. J'ai l'impression que quelqu'un ouvre devant moi des portes invisibles et confirme : cette fois-ci, tout ira bien, on me donne une chance. Tu me comprends ? Il t'est certainement arrivé d'avoir besoin de soutien et de trouver de petits signes partout autour de toi. Ça t'aide à reprendre ton souffle et à sentir ton corps se remplir d'assurance et de force. Tu éprouves une immense gratitude à l'égard de quelque chose, de quelqu'un, et tu as même envie de l'exprimer à haute voix, de la lancer dans le néant : « Merci pour tout ce que tu m'as donné. »
Il tenait le volant et souriait – je peux l'imaginer. Il était presque arrivé à la « Fabrique de sucre », il avait tourné dans la petite rue... C'est alors que, devant lui, la femme avait surgi. Il avait réussi à s'arrêter, mais il avait vu le corps s'allonger sur le capot avant de s'élever dans les airs. Il avait entendu le son du choc lorsqu'il était retombé sur l'asphalte. Il avait aussitôt bondi hors de la voiture. Il avait touché la femme et du sang était resté sur ses mains. Il n'avait pas eu la présence d'esprit d'appeler une ambulance, il l'avait installée avec précaution sur la banquette arrière et s'était rendu dans l'hôpital le plus proche. Lorsqu'il était jeune, il venait souvent dans la cour de la fabrique pour la dessiner, et il connaissait bien le quartier. Il espérait que l'hôpital était toujours là.
On avait admis la femme, et il était resté à attendre dans le couloir. Personne n'avait appelé la police, personne ne lui avait posé de questions. Il avait attendu. À un moment donné, son mari était apparu avec le médecin : rondouillard, de petite taille, avec une calvitie, très inquiet. L'hôpital l'avait appelé, il était à son travail, dans l'équipe de nuit. Reinhardt ne savait que dire. Il avait essayé de s'excuser, d'expliquer. À sa grande surprise, au lieu de l'injurier, l'homme l'avait remercié de ne pas avoir laissé sa femme dans la rue avant de filer dans l'une des rues adjacentes. Le médecin avait déclaré qu'elle était hors de danger, avec seulement une légère commotion, elle s'en remettrait vite, mais il ne pouvait pas le laisser la voir. Ça avait achevé de troubler Reinhardt. Il était resté encore un certain temps dans le couloir avec le mari. Ils étaient assis sur un canapé en cuir troué. Les lampes fluorescentes avaient un bourdonnement monotone au-dessus de leur tête. Le mari lui raconta par bribes qu'ils s'étaient mariés tard, n'avaient pas d'enfants et qu'elle était sa joie (oui, c'était exactement l'expression qu'il avait employée : « ma joie »). Ils vivaient modestement, ne s'intéressaient ni à la politique, ni au foot, ni aux ragots de bonnes femmes : ils étaient heureux de s'être trouvés. Il ne déposerait pas de plainte, l'important était que sa femme s'en remette. Enfin, le médecin lui avait permis de la voir.
Reinhardt n'était même pas rentré chez lui. Il s'était rendu dans l'hôtel de Vernant, lui avait annoncé qu'il renonçait au projet, qu'il voulait se retirer de tout et rester seul, et, quelques jours plus tard, il avait disparu.
– Que s'est-il passé avec la femme ?
– Je suis allé la voir deux fois avant qu'ils ne la fassent sortir. Elle allait bien. L'une des deux fois, son mari aussi était là, il lui tenait la main et souriait. Après cela, je ne les ai pas revus.
– Je n'ai pas compris pourquoi tu avais renoncé à la ville. Quel est le lien entre la femme que tu as renversée et ce que tu as voulu créer toute ta vie ?
– Je n'ai pas de réponse concrète à te donner, les raisons sont multiples. Je crois que je me suis rendu compte pour la première fois qu'il y avait des choses que j'avais ratées en poursuivant des chimères, qu'elles ne m'arriveraient jamais... et ça m'a fait de la peine... pour moi, et tout ce que j'avais accompli a perdu son sens.
– Tu as renoncé à ta vie parce que ça t'a fait de la peine ? Excuse-moi, mais ça paraît absurde.
– Hm... hm... c'est toi qui me le dis, Margarita ? Peu importe, je vais essayer de te l'expliquer d'une autre manière. Après le départ d'Anguelika, il m'a fallu du temps pour m'habiter au vide. Les forces qui me maintenaient entier, debout, en bonne santé pour me permettre de fuir la Bulgarie, d'arriver à Paris, de chercher sans relâche Matilda et de réussir encore à faire la scénographie de films, ces forces aussi s'étaient évaporées.
Il m'est venu à l'esprit de prendre le nom qu'Angelika m'avait laissé et d'avancer sous ce nom en suivant le plan que j'avais déjà imaginé. Il me paraissait alors irréprochable : les jours passeraient dans le travail, jusqu'à ce que je devienne suffisamment célèbre pour qu'elle me voie et me trouve. J'avais même inventé des explications pour justifier Angelika et toutes les femmes qui étaient venues après elle (si mon plan réussissait, je ne manquerais pas de voyages, rencontres et séparations). C'est ce qui s'est produit, j'ai accompli le rêve de Matilda : j'ai voyagé dans toute l'Europe pour faire ce que j'adore. Quoi qu'il arrivât, où que je fusse, j'avais toujours l'impression qu'elle était à mes côtés et qu'il suffisait que je la pousse légèrement du coude pour qu'elle voie ce que je voyais, moi. Il y avait longtemps que je ne m'inquiétais plus de mes amourachements éphémères ou plus durables. Je savais qu'elle comprendrait. Mon problème, ce n'étaient pas les remords, mais l'air.
– L'air ?!
– L'air que je blessais chaque fois que j'oubliais qu'elle n'étais pas là en lui donnant un coup de coude. C'est à cause de lui que j'ai commencé à dessiner. Je ne me souviens pas quand exactement j'ai eu l'idée de créer une ville enchantée que je pourrais lui montrer lorsqu'elle reviendrait. Il était inacceptable pour moi qu'elle puisse ne pas revenir. Est-ce qu'il t'arrive souvent de rencontrer quelqu'un qui termine tes phrases et dont tu es prêt à pardonner les petites trahisons ? Je me demandais : qu'est-ce que c'est que quelques années de souffrance au nom de l'amour ? Je trouvais en mon for intérieur diverses justifications au fait qu'elle tardait à me retrouver. Je me disais qu'il s'était peut-être passé quelque chose au moment précis où elle était partie me rejoindre : elle avait pu attraper la grippe, une tante lointaine avait pu mourir. Sait-on jamais ? Je voulais, lorsqu'elle viendrait, lui montrer la vie que j'avais vécue pour elle. J'avais l'impression que c'était la seule façon, lorsque nous nous rencontrerions, de pouvoir rattraper toutes les années manquées. Je dessinais chacun des endroits où mon coude faisait des bleus au ciel. Je dessinais des vagabonds, des musiciens de rue et des acteurs. J'enregistrais leur histoire. Je suis certain que Matilda aurait aimé les rencontrer, les interroger, boire avec eux, les prendre en photos. Je l'entendais me dire : « Tous, ils sont la ville, Max » et je les gardais vivants dedans, où que je fusse.
Je ne pourrais pas dire qu'elle était tout le temps avec moi, parfois je l'oubliais. Par exemple, lorsque je roulais dans ma nouvelle voiture, toit ouvert, avec Catherine Deneuve, je ne pourrais pas dire que je pensais à Matilda.
– Tu es sorti avec Catherine Deneuve ?
– Ça n'a aucune importance. En fin de compte, il se produisait toujours quelque chose. Tu as maintenant tellement d’histoires enregistrées et tu le sais : pour finir, je restais toujours seul. Je poussais l'air de mon coude, car il était le seul à pouvoir accueillir les contours de son corps, pour que je lui raconte... Matilda comprenait toujours, toujours... Alors, je m'asseyais et dessinais des lieux provenant de toutes les villes que j'avais visitées – d'étranges balcons, un cerisier en fleurs rue Sainte-Geneviève où se trouve toujours la librairie russe de Paris, la vitrine avec des rasoirs dans le quartier gothique de Barcelone et des milliers d'autres endroits. Il fallait qu'elle sache où nous avions vécu et ce qu'elle avait fait durant toutes ses années d'absence. Et lorsque je suis revenu pour construire la ville...
– Mais pourquoi as-tu décidé de construire la ville ?
– Parce que j'ai vieilli.
– Pourquoi t'es-tu enfui ?
– Lorsque je suis revenu pour la construire et que j'ai renversé cette femme, quand j'ai vu son mari lui tenir la main dans la chambre d’hôpital, toutes mes forces m'ont de nouveau quitté. Quelque chose de semblable à ce que j'ai ressenti après le départ d'Angelika, mais en bien plus fort, parce que j'ai compris que je n'avais jamais eu cela... le plus banal... je l'avais perdu à la recherche d'une femme qui avait disparu depuis longtemps... Comment t'expliquer... je pense que j'ai perdu Matilda dans cette chambre d'hôpital, trente et quelques années après qu'elle m'avait quitté. Continuer n'avait plus de sens : je n'avais pas d'histoire à raconter. C'était dans cette ville que devait être tourné le film de notre vie, mais nous, nous n'étions pas là.
Vernant insistait pour qu'on continue le chantier. Les journalistes nous faisaient encore la cour. Des actrices m'invitaient continuellement à dîner et à déjeuner ; Nous avions annoncé que, dès la fin du décors, nous tournerions le premier film. Nous voulions engager les meilleurs scénaristes, débattions quel réalisateur inviter. Nous tenions, lui et moi, à ce que tout soit grandiose, même si c'était pour des raisons différentes. En sortant de l'hôpital, j'ai tout bonnement compris que j'étais sur le point de créer une ville morte dont les rues ne seraient jamais traversées par Matilda.
– D'un côté, je te comprends. De l'autre... ce n'est pas logique ce que tu dis. Je croyais que ton but initial était que Matilda te retrouve ? Tu as tout fait pour ça, tu es revenu, tu as commencé le chantier. Elle l'aura lu dans les journaux, elle aura vu ta photo. Il est probable qu'elle se soit apprêtée à venir avec les premiers touristes, vibrant à l'idée qu'elle allait te croiser dans un coin. Ou bien elle aura décidé d'attendre que les prises de vue commencent et que tous les figurants fassent irruption dans les rues pour se familiariser avec elles, et juste au moment où la caméra s'en mêlerait, elle déambulerait à travers les marchés couverts et les places pour aller à ta rencontre. Il est même possible qu'elle ait été dans la ville, parmi les ouvriers sur le chantier, sans que tu le saches. Il n'est pas logique que tu aies renoncé à croire au hasard, alors que tu as construit ta vie sur l'espoir qu'il te mènerait à elle.
– Imagine qu'elle ne soit jamais partie, qu'elle soit restée en Bulgarie durant toutes ces années. Imagine que, toute sa vie durant, elle n'ait photographié Paris que dans ses rêves, sans pouvoir le voir. Imagine qu'elle n'ait jamais quitté le pays tandis que je vivais ce qui n'était pas à moi, ce qui était à elle, mais sans appareil photo. Imagine...
– C'est une raison stupide. Dis-moi pourquoi tu as laissé tomber le projet ?
– Ça n'avait plus de sens que je continue, je n'avais pas d'histoire à raconter.
– Dans ce cas, qu'est-ce qui a changé et pourquoi avons-nous cette discussion, que veux-tu que j'écrive ?
– Tu te rappelles le disque de L'ombre de l'inconnue ? Il était sur la table de la cuisine...
– Et je m'en suis servi comme prétexte pour t'adresser la parole ? Oui.
– Je n'ai pas parlé avec Vernant depuis 1997 où il est rentré en France. Le film est arrivé avec une lettre de lui. Ça m'a fait réfléchir et... je veux essayer encore une fois mais pas de la même manière.
– Je ne comprends pas. C'est quoi, ma tâche ?
– Créer l'histoire.
– Je l'ai, enregistrée, il n'y a pas besoin que j'invente quelque chose. Elle est suffisamment incroyable. Du garçon qui a fui le pays jusqu'à l'homme qui est revenu : ton histoire est un conte de fée et des milliers de gens ont rêvé ou rêvent de la vivre.
– Non, tu ne m'as pas compris. Je veux que tu racontes mon histoire telle qu'elle n'a jamais eu lieu.
[...]
Kaliakra, Bola, Chabla, fin février 2012
[…]
Tôt le matin, nous partons pour la ville : nous voulons voir le lever du soleil. Dans la voiture, nous avons un thermos de thé, de la nourriture, des pulls de rechange et beaucoup de musique.
La ville est fantomatique et ce n'est pas à cause de l'aurore. Silhouettes de bâtiments connus d'autres villes – visitées ou vues en photos – réunies dans quelques rues juste avant la grande eau. Rochers, ciel et toits et, à perte de vue, éoliennes. Si l'on regarde en bas : la mer, sans chemin pour y mener, que des rochers en rouge, beige, orange, marron, et de nouveau la mer, et le ciel désormais (plus tard, nous découvrirons malgré tout comment nous rendre à une petite baie : quelques mètres de sable et une maison à moitié en ruines sur la grève, qui ne fait pas partie du décor). L'horizon est pur, sans bateaux, sans nuages. On dirait que la ville et nous – des intrus dans le royaume des mouettes – sommes tombés dans un trou gris-bleu sans fond. Nous nous sentons comme totalement hors de la pesanteur et du temps.
Les rues sont désertes, les bâtiments tombent en ruine, les fenêtres agitent leurs vestiges de vitres en nylon, les panneaux grincent. Çà et là, des noms sont encore visibles : Boulangerie « Pavot muffin »*, Restaurante « Lobo de Mar* », Parruchiere « Riccioli*7 ». Certaines maisons ont uniquement une façade – elles sont vides – et, à travers leurs portes branlantes, ouvertes, on voit la mer grise. Nous arrivons sur la place parisienne René Cassin. Je la reconnais à la présence, en son centre, d'une copie de la véritable sculpture L'écoute : énorme tête d'un homme, la main posée près de son oreille. Lorsqu'elle était apparue sur la place René Cassin, à Paris, Reinhardt l'avait dessinée pour Matilda et il l'avait ajoutée à la ville. Je me rappelle que, parmi ses esquisses, était tombée la note suivante :
« Si, à cet instant précis, tu te trouves sur le quai et regardes l'eau, je viens vers toi, tu te retournes et me regardes, et le vent souffle dans ta nuque, soulevant deux boucles dans les airs, qui dissimulent légèrement l'un de tes yeux, mais on voit tes lèvres et tu souris, et si, à cet instant précis, un bateau passe, couvrant les mots que tu as prononcés dans l'attente d'une réponse, alors que je n'ose rien te répondre parce que toute réponse est erronée et... quelle rue pourrions-nous emprunter à cet instant-là ? Nous n'avons que deux chemins possibles : rester sur le quai sans bouger, afin de garder la sensation que ceux du bateau ont pris tes mots et qu'ils te les rendront dans vingt minutes, qu'alors je t'entendrai et je pourrai t'apporter la bonne réponse et il nous sera donné de continuer à avancer ; ou bien nous diriger vers les halles en essayant de dissimuler la faille par des plaisanteries et des conversations avant d'entrer dans le parc dont les allées portent le nom d'écrivains et de poètes, et d'en choisir un que nous avons lu tous les deux ensemble, pour arriver à la place où se trouve cette sculpture : L'écoute, je suis certain qu'elle te plaira, même si, dans sa main entrouverte, viennent continuellement s'asseoir des touristes pour se prendre en photo... Toi aussi, tu les prendras en photo, nous les emporterons avec nous, tous ces inconnus, et tu demanderas ce que peut bien entendre l'oreille de pierre : des pas, le craquement des articulations des gens en train de s'accroupir ? Un rire ? Est-ce qu'elle entend notre silence ? Si nous venons nous placer au centre de la place et parlons à voix basse, on peut nous entendre de loin, très loin, l’acoustique est si particulière. Aussi, il m'arrive de venir la nuit, de m'asseoir en son centre et de répéter ton prénom. Ensuite, j'imagine de nouveau ce qui pourrait arriver si tu regardes vers la Seine et que j'arrive dans ton dos, et tu te retournes, et le vent, tes boucles, tes yeux, ta bouche et tes mots, et à ce moment précis passe un bateau... »
Nous nous dressons au centre de la place. Je force Ossip à s'éloigner et à me prendre en photo. Pendant qu'il se dirige vers l'autre extrémité, je répète tout bas : « un inconnu avec un accordéon, un inconnu avec un accordéon ». Le vent me vole mes mots. On n'entend rien. Ossip me prend en photo, puis nous continuons, tournons à gauche et nous retrouvons devant la porte du bar. Le bar de la photo que j'ai donnée à l'accordéoniste. Ce bâtiment est entièrement construit.
Je sais qu'à l'intérieur, ça doit être vide, mais je veux voir la disposition des espaces. J'espère que la scène sur laquelle les musiciens ont joué a été construite elle aussi. Il est possible, également, qu'à l'étage supérieur il y ait un trou dans le toit par lequel un arbre fasse passer ses branches. Personne ne saura jamais si ça a été conçu ainsi ou si cela s'est produit naturellement, au fil des ans, parce que cet endroit tombe en ruines comme le vrai. Nous entrons et descendons l'escalier qui mène aux caves, à la scène.
Quelqu'un a habité ici : il y a un matelas, un fauteuil éventré, une assiette, des emballages froissés et des bouteilles. Je me rends compte à présent que je n'ai pas vu une seule ordure dans les rues. Signe certain que personne n'est passé par là.
– Vous cherchez quelque chose ? – La voix est stridente, apeurée et provient de derrière nous.
[…]
Sofia, fin mars 2012
La tâche que m'a confiée Reinhardt est au-dessus de mes forces. Il veut que j'écrive un scénario sur leur vie, à Matilda et lui. Elle n'a pas disparu, il n’est pas parti et ils ont vécu tous les deux ensemble en Bulgarie, heureux, jusqu'à leurs vieux jours. À première vue, rien de bien terrible, sauf que... « heureux » fait partie des principales exigences de Reinhardt.
– Tu es un professionnel, tu sais que « une vie comme dans les films », ça ne veut pas dire cinquante ans de bonheur conjugal.
– Ça m'est égal, Margarita, il me faut un scénario dans lequel elle et moi avons vécu ensemble et avons été heureux.
– Tu veux que je décrives la voie que tu t'es tracée à vingt et quelques années ? C'est bien pour ça qu'il est inutile que j'écrive un scénario !
– Dois-je comprendre que tu renonces ? – Pour la première fois, il rate le cendrier en secouant la cendre de sa cigarette et ne le remarque même pas.
– Non, je ne renonce pas. Tout simplement... – Il ne me vient pas d'autre idée à l’esprit que lui demander : – Tu veux qu'on déjeune ensemble ? Ensuite, je rentrerai chez moi pour me mettre au travail.
Je ne peux pas écrire cette histoire. Je m'assieds en me disant que je dois faire un plan, mettre en ordre les dates, les événements, j'essaie d'assembler les morceaux. Il n'y pas de morceaux que je puisse assembler. Je n'invente pas les histoires : je les vois. Je ne peux pas voir Max en bon époux qui crée jusqu'à sept heures du soir avant de rentrer dîner. Je ne vois pas non plus la femme : Matilda. Elle n'existe pas, il n'y a pas de Matilda. Elle a disparu sans laisser de traces pas seulement de la vie de Max. Elle a tout simplement fondu, elle a pâli comme une photo imprimée sur du papier de mauvaise qualité.
– Pourquoi lui as-tu donné ce nom ?
– J'avais besoin de lui donner d'autres noms. Des noms qui soient seulement à moi. Je ne voulais la partager avec personne, ne serait-ce qu'en prononçant son nom. Je doute que dans la Bulgarie de l'époque il y ait eu beaucoup de femmes qui se soient appelées ainsi. Et puis, quand je prononçais ce prénom, j'imaginais toujours une créature pesante, lente, pataude, bref, son contraire absolu, et ça m'amusait. Des années plus tard, j'ai découvert que « Matilda » signifiait « forte au combat ». Sans le savoir, je lui ai donné le seul prénom qui lui aille.
« Cette tâche est au-dessus de mes forces », je me le répète, terrifiée. Je n'y arrive pas. C'est le scénario impossible. Il n'existe pas de couple heureux et de beau film. Il n'y a pas d'action. Je n'arrive pas à imaginer comment le faire. Qu'est-ce qui sera important dans une existence longue, lisse et heureuse, au cours de laquelle ils s'aimeront ? Il n'est pas possible qu'ils s'aiment au point qu'il n'y ait pas de trous sur leur chemin, dans lesquels l'un d'eux tombe, se perde et que, grâce à la force de ses sentiments, l'autre revienne le chercher. Je ne connais pas de couples parfaits, je ne comprends pas pourquoi Max a besoin de ce mensonge. Qu'attend-t-il, en réalité ? Le pire, c'est que j'ai conscience qu'il m'est impossible de lui dire « je renonce ». Il n'a pas d'autre alternative. Moi non plus. Parce que l'argent, le magasin, la frustration, la ville attirante, son audace, sa pusillanimité... J'aimerais vivre chacune des histoires qu'il me raconte. J'aime Reinhardt, son envergure, la grandeur de son geste demeuré en suspens, inachevé, dans les airs. Ossip apprécierait.
Après plusieurs tentatives infructueuses pour établir un plan qui me permette de commencer à écrire, je déclare forfait. Je suis allongée par terre, près de l'ordinateur. La musique de Roman rampe dans la pièce. Parfois, j'ai envie de lui écrire, de lui dire... que puis-je dire à un inconnu si proche, dans une langue qui n'est ni la mienne ni la sienne ? Je t'aime ? Tu joues admirablement bien ? Chaque mot résonne à mes oreilles comme un coup absurde porté au cœur de l'accordéon.
Je dois me protéger, ne pas commencer à l'inonder de torrents de courriels inutiles et me concentrer sur la vie heureuse de Max et de Matilda. Les mains me démangent pour écrire. Je ne vois qu'une seule issue. Je fusionne les deux incompatibilités : je commence à décrire Roman dans l'histoire de Reinhardt. Je suis la femme qui attend qu'il rentre avec les pivoines. Je me promène avec lui dans les rues d'une ville que je n'ai jamais visitée. Nous regardons le fleuve. Il se penche pour m'embrasser. Puis notre journée se prolonge, notre vie aussi. Dîner.
J'écris sans plan, sans ordre. Je jette les épisodes sur le papier. Je sens mes mains légères, les mots m'obéissent. Il me suffit de saisir l'un des bouts de l'histoire, ensuite, tout va s'ordonner. Je me rassure. Je vis avec l'inconnu qui m'a oubliée à l'instant où il est monté dans l'avion. Matilda survit, Reinhardt rajeunit.
[…]
Budapest, avril 2012
Je flâne dans les rues. J'aime Pest. Elle me manque toujours lorsque je pars. Ses petites places. Ses bâtiments. Le Danube. Je n'aime pas Buda, à la fois chaude et froide. Vertueuse le jour. La nuit, musicienne de rues libertine aux cheveux de lumière et d'obscurité. J'aime Pest. Ses bars et ses clubs. Je n'aime pas les gens. Ils ne me regardent jamais dans les yeux.
Parfois, j'ai envie de danser. Alors, mes doigts jouent dans le vide. Ils jouent les mélodies de la rue. La musique ne m'abandonne jamais.
Parfois, je lis des recensions me concernant dans des blogs et des journaux. Çà et là, on m'appelle « l'accordéoniste fou ». Je me dis toujours que quelqu'un a dû passer le long de la rue Almássy et me voir assis dans un café, en train de jouer dans le vide un tango pour rue, oriels et nuages.
Elle veut, si nous avons un fils, qu'il s'appelle Roman. Je trouve ça bizarre.
Lorsque nous nous disputons, j'écoute la mélodie des verres, assiettes et cendriers qui volent et s'écrasent. Et pour refrain, je l'entends me reprocher que, si je le pouvais, je retournerais immédiatement rue Kertész. Elle a raison. Je me vois poussant la porte du bâtiment en train de tomber en ruines et descendant les escaliers, dans les souterrains, pour rejoindre mes amis. Je sais qu'ils m'attendront. Ils sont toujours là-bas et la musique jaillit sous leurs doigts pour s'enrouler autour des femmes du café. Pas une ne résiste. Au contraire. Toutes se laissent aller à ce flirt qu'en d'autres circonstances elles rejetteraient, comme si les mains de l'homme étaient maculées d'huile de machines ou de boue. Elles ne savent pas que les doigts des musiciens peuvent aussi être sales. Elles ne savent pas ce que c'est que de rassembler d'autres musiciens avec lesquels jouer, de chercher des salles, de négocier des honoraires, d'organiser des répétitions, d'attendre des producteurs jusqu'à ce que vos genoux ne vous supportent plus. De se demander comment voler davantage de temps pour jouer et composer. Nous non plus, nous ne le savons pas encore. C'est peut-être pour cette raison qu'elles nous font confiance. Nos mains sont encore propres.
La photo de Margarita est dans ma poche. Je lui jette un œil de temps à autre. Je la retourne. Je lis la dédicace et j'ai l'impression de parvenir à y retourner. Je n'en ai parlé à personne d'autre qu'à Viktor. Et surtout, je ne lui ai rien dit à elle. De tout mon voyage jusqu'en Bulgarie, Margarita est la seule chose que je n'aie pas joué dès mon retour. Je ne peux pas lui dire que j'ai le sentiment d'avoir trouvé un tunnel dans le temps. J'imagine sa peur que je le traverse et aie envie d'y rester. Sans compter que l'histoire de cette photo est incroyable. Que lui raconter ? Une inconnue m'a trouvée dans le bar dans lequel j'ai joué après le concert et elle me l'a donnée. Et la dédicace ? Je ne sais pas. Elle l'a écrite, et c'est tout.
« Ça fait beaucoup de coïncidences, Roman, me dira-t-elle sûrement. – Quand vas-tu apprendre au moins à mentir comme il faut ? » Aucune explication ne la convaincra. C'est la raison pour laquelle je me contente de garder la photo dans l'étui de l'accordéon. Elle n'y touche jamais.
Comment lui prouver que les hasards absurdes nous trouvent toujours au bon moment ? Ils nous poussent là où nous ne savons pas que nous devons aller. Parfois je me dis que je dois retourner à Sofia et trouver le bar dans lequel j'étais après mon concert. Et Margarita. Il suffira que je m'assoie et que je joue jusqu'à ce que la musique l'amène jusqu'à moi. Son regard collera de nouveau à mes doigts. J'aurai l'impression de laisser des traces de chocolat fondu sur l'accordéon. Comme je déteste des doigts sales sur les touches ! Si on a des enfants, il faudra sans doute que je m'y résigne.
Je rentre à la maison. Elle n'est pas là. Je m'assieds devant l'ordinateur. J'écris « Margarita Andonova » sur Google.
Sofia, avril 2012
Depuis notre dernière conversation, cela fait plusieurs jours que je ne sors pas de chez moi, je suis assise à mon bureau et j'écris. L'histoire se met en place d'elle-même. Je suis impatiente de savoir ce qu'il va se passer par la suite, mais les paroles d'Ossip ne me laissent pas en paix. J'écoute de nouveau les enregistrements. La partie dans laquelle Max dit à Vernan qu'il se retire. Rien ne me souffle de réponse à ce mystère, aussi, je décide de chercher de l'aide auprès de l'autre personne qui y participe : grâce à Google, je déniche une adresse mail de Vernan. Il devrait connaître au moins un tout petit peu d'anglais.
« … Bonjour, Monsieur Vernan,
J'ai trouvé votre adresse mail sur Internet. Je m'appelle Margarita et je travaille pour Max Reinhardt. Il y a presque deux mois, il m'a engagée pour que j'écrive le scénario d'un film qui ne sera jamais réalisé. L'action se déroule dans une ville qui n'existe pas. Ou plutôt, elle aurait pu exister, mais il n'en reste à présent que quelques rues à moitié détruites près de Kaliakra. En fait, vous devez savoir mieux que moi ce qui s'est passé à cet endroit.
Max m'a engagée pour que j'écrive un scénario sur sa vie avec Matilda, telle qu'il ne l'a jamais vécue. Vous me demanderez sans doute pourquoi j'ai accepté ? En réponse, je pourrais vous demander la même chose. Pourquoi avez-vous accepté de venir dans un pays dans lequel règnent le chaos, la criminalité et la corruption, pour créer une ville impossible dans laquelle personne ne savait exactement ce qui se passerait ? Si nous avons un jour l'occasion de nous rencontrer et de discuter, nous découvrirons probablement que nos réponses se ressemblent beaucoup. Je ne me lancerai donc pas dans des explications détaillées.
Bien que Reinhardt m'ait tout raconté, quelque chose reste confus dans son histoire. Vous avez su ce qui s'est passé après ce fameux soir. Vous l'avez aidé à disparaître, conscient des conséquences que cela aurait pour vous. Il est impossible que vous ayez cru réussir à cacher sa disparition pendant la durée du chantier. Dites-moi pourquoi Reinhardt a renoncé, je vous en prie ! Je ne puis pas continuer à écrire tant qu'il me manque cette partie du puzzle.
En quoi cela est-il lié à mon scénario puisque je crée une histoire totalement inventée sur lui et sur une femme qui n'est jamais réapparue ? Je ne le sais pas, mais vous avez travaillé avec suffisamment de créateurs pour me comprendre. Surtout, c'est grâce à vous que Reinhardt a été près de réaliser son rêve et ensuite, c'est encore vous qui l'avez aidé, en quelque sorte, à l'effacer. Je sais que vous me comprendrez.
J'ai fait la connaissance de Max au moment où vous lui avez envoyé le film L'ombre de l'inconnue, il m'a dit qu'il était de vous. Je ne puis vous demander de garder pour vous ma question. Si vous le voulez, dites-lui que je vous ai interrogé, je vous demande seulement de me répondre.
Merci. »
J'envoie le courriel, je prends mon dossier avec les épisodes déjà prêts, le dictaphone, et je m'installe de nouveau dans la cuisine de Reinhardt. J'espère que si je le pousse à raconter encore une fois ce qu'il s'est passé exactement, il est possible qu'il ajoute un élément nouveau ou qu'il se contredise, et que cela m'aide à découvrir la vérité. J’attends d'abord qu'il lise tout ce qui a été écrit jusqu'à présent. Lorsqu'il relève la tête, son visage est tranquille, il me regarde dans les yeux :
– Tu as raison, Margarita, tu as raison. Le scénario avance bien, je suis content.Tu vas me le laisser, bien sûr, pour que je le relise, mais tu as raison. Il n'y a pas d'autre voie que celle que tu as choisie. Tu as dit que tu avais autre chose à me demander. – Il se cale dans son fauteuil.
– Raconte-moi encore une fois, s'il te plaît, pourquoi tu as renoncé à la ville, ce que tu as dit à Vernan et la manière dont tu as disparu.
J'appuie sur le dictaphone.
1Doura : petite folle, bécasse en russe. Plus loin, douratchka en est le diminutif affectueux (à moins de mention particulière, les notes sont de la traductrice).
2Max Reinhardt (1873-1943) : metteur en scène autrichien, directeur du Deutsches Theater Berlin. Il accorde une attention particulière à tous les aspects de la mise en scène théâtrale, y compris à la scénographie et à l'éclairage. Ses spectacles se distinguent non seulement par le jeu fort des acteurs, mais aussi par leur intensité visuelle (N. de l'A.).
3C'est ainsi qu'on nomme, en bulgare, les vacances forcées par des événements politiques, des conditions économiques et/ou climatiques, etc.
4C'est ainsi qu'on nomme, dans l'historiographie bulgare, la période de construction de l'idée nationale, au XIXe siècle, dans les territoires bulgares qui ont fait partie de l'Empire ottoman de 1396 à 1878.
5Après la chute du régime communiste en Bulgarie, le 10 novembre 1989, les années 1990 sont celles du passage d'un système totalitaire à la démocratie, d'une économie dirigée et planifiée à l'économie de marché. C'est une période de crise économique, financière, sociale. Beaucoup de cafés s'ouvraient dans des garages parce que ceux qui se lançaient dans ce « business » ne pouvaient pas payer un loyer.
6Cette fabrique, construite en 1898 par Ernest Solvay, industriel et chimiste belge, a donné plus tard son nom à un quartier de Sofia.
7Les noms suivis d'un astérisque sont respectivement en français, espagnol et italien dans le texte bulgare.