Extraits sélectionnés
Ekaterina Iossifova –
extraits sélectionnés
LE VENT
tend sa main lissante
du sud au nord et de moi au sud
c'est mon humeur universelle
qui apaise depuis longtemps
elle ne m'apporte rien
qui ne soit à moi.
MANSARDE
A l'aube
Les toits sont lavés
Le ciel est débarbouillé
Les pigeons sont réveillés
Les chats sont rassasiés.
LA MAIN
Une main tendue
La connaissance pétrifiante
fait complaisamment l'aumône
Est-ce une main
qui me tient
à portée de la main de la vie
Est-elle plus forte que la vie
CE N'EST PAS UNE EXPLICATION
Le poème n’est pas une explication
Ni une déclaration d'amour
Devant la fenêtre la neige tombe
Accumule le silence
Le poème passera par là
quand j'aurai le dos tourné.
LA REPONSE
serait écrite en moi
mais je ne connais que les premières lettres de l'alphabet
LA CHANSONNETTE DU GRAND AMOUR
Il a un visage d'enfant et sa petite main
grandit dans la mienne.
Dans le champ de patates de la vie l’égoïsme chiendent sème sa graine
et avec le mot amour germe l’incertitude et aussi la haine.
Le mot amour vieillit, la face meurtrie de bosses malsaines.
Mais tu as un visage d'enfant et ta petite main
effleure la mienne.
Dans le champ de patates de la vie ploie et s’incline
du labeur quotidien l'échine,
avec, au bout, un repas chaud et une couche câline.
Mais il a un visage d'enfant qui rayonne
tout seul dans la nuit.
LE LAC DE MONTAGNE
Une certaine lumière qui frémit
au-dessus du lac qui est quasi :
quasi profond et quasi vert,
quasi dormant, quasi désert,
quasi perdu, quasi sauvé.
Passe un nuage et passe un oiseau
qui effleurent presque le silence clos
de leurs ombres légères. Passe le soleil.
Reste une certaine lumière.
Passent les pluies et passe le vent
et tout passe avec le temps.
On croit voir une sente qu'hébergent
les flancs hirsutes de ses berges.
Seul parfois sur la sente se pose
le jour mourant qui se repose
sans bruit sur une pierre moussue,
une pierre très vieille, au dos bossu,
aussi âgée qu’une sage pensée.
PETITE CHANSON D’AUTOMNE
L’automne frissonne dans la boue et la brume.
Je me sens bien, sans aucune amertume.
L’heure bleue grisonne, les bouleaux sont blonds,
un chaud tapis s’étale au pied des troncs
du maigre peuplier et du poirier sauvage.
Des bottes aux pieds, sur le dos un lainage –
la gelée blanche garde de mes pas la trace
sur l’herbe humide, froide et pourtant vivace.
Ailleurs on dort, peut-être aussi qu’on meurt.
Les feuilles frileuses cherchent un peu de chaleur.
J’ignore encore comment s’appelle la fleur
qui pousse doucement tout au fond de mon cœur.
BOUCHE
Sur mes yeux le bandeau du vu
dans mes oreilles les boules quies de l’entendu
A mes poignets les menottes du fait.
Reste la bouche.
LA LIBERTE, SANCHO
c’est quand on n’a
plus personne à accuser
que soi-même.
ON M’A RACONTE LA FIN
Je sais qui est l’assassin.
Je peux maintenant m’abandonner
au plaisir des procédés littéraires, Seigneur.
Traduit du bulgare par Roumiana Stantcheva