Ivan Théofilov – Poèmes

Dans la rue principale

La journée a la clarté de l’été.

Abat-jour ensoleillés,

les parasols du café versent

des ombres arc-en-ciel

sur les douces amitiés festives

tout autour de moi.

Et le trottoir devient scène,

spectacle magique d’hommes

aux rêves alanguis de plaisirs

devant leurs grands verres

remplis de lueurs chamarrées.

Les façades délavées

sont des aquarelles passées

dans la transparence de l’air.

Et les passants épars

promènent leurs visions

sur les fils argentés

de la toile vibrante de l’été.

Comme tout semble grossi

autour de moi – les visages,

les mains, les verres, le parasol

berçant son ombre aérienne.

Les regards échangés

les mots égrenés

rappellent, toujours plus rarement,

cette promiscuité prolongée sans fin

où chacun a conservé

le calme de son cœur estival

et si vrai.

Soleil d’après-midi

Allongé sur le banc, je lis

et je ressens la clarté du ciel sur la colline.

Du coin de l’œil j’aperçois un jeune arbre

balançant son ombre timide, enfantine.

Mon regard erre au hasard

étonné de découvrir un minaret,

puis la houle figée d’un square

et un pont - parure de la Maritza.

Les pages et mes mains s’illuminent soudain

comme recouvertes d’or. Mes yeux

se posent sur le ciel – exubérant, fébrile, limpide

où le soleil n’est que sens.

Maintenant, je peux encore plus librement

comparer la ville et le couchant

à une étincelante volière sonore

aux oiseaux parés de couleurs folles.

L’homme au chapeau rond

à la mémoire de mon père

A travers le couloir bruyant

de la rue commerciale des Halles,

tu marchais d’un pas alerte,

naïf, appliqué, comique.

Tu errais anonyme, inaperçu, si petit

sur les mots croisés de la foule,

promenant les désirs insensés

de ton vécu de toutes ces journées…

Tu ramassais les miettes de leur tourbillon chamarré,

attentif aux mots affectueux

échangés entre passants,

aux saluts et aux rencontres de hasard -

émotions que tu classais dans le registre

de tes années souriantes…

Le regard affaibli, concentré,

tu percevais la vie bouillonnante

comme un nuage brouillé de moucherons.

Perdu dans ta nuée colorée, tu allais

à travers l’exubérance de la foule,

ignoré, illusoire, imprévu –

l’homme au chapeau rond – x ou y?

Si étonnamment appliqué que

les passages sinueux que tu avais tracés

à travers la multitude mouvante

promènent encore

les chemins de ton dévouement.

Le magnifique quotidien ne peut exister

sans les originaux au cœur pur.

Fjords

Au-delà de Sozopol - rivés sur leur solitude moirée,

percés de canyons aux grimaces grêlées,

veillent les rochers dramatiques

que l’habitude a nommé fjords.

Abîmes magiques en pierre corrodée

où la terreur -explosive- tonne,

le temps en est le témoin figé par-delà

les échos d’écumes hérissées.

Regarde! L’espace assoiffé rejette

l’excès de vagues, engouffrées

dans leurs brèches à jamais immobiles.

De leurs mâchoires archaïques

ils avalent des gorgées d’air se leurrant

d’être les serrures ouvertes

sur les masses liquides de la mer.

Et elle résonne au loin, telle une autre planète

emplie d’entêtements

et d’incorruptibles mystères.

Fjords! Oeils gorgés

de haine incessante! Douleurs

de cerbères enragés. Pièges rugissants,

effrayants autant qu’attirants.

P.S. Juste pour rappeler que dans la vie d’«au-delà de Sozopol» il existe des exemples de la même perfidie optique.

Poèmes traduits du bulgare par Ralitsa Frison-Roche

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