Bonnes Nouvelles

[1]

Pascal est plongé dans la lecture d'une dépêche des agences de presse quand Miro et Yérémia entrent dans le bistrot du village.

Ils s'installent à ses côtés et commandent deux rakia.

- Quoi de neuf, Pascal ? - demande Miro.

- De bonnes nouvelles cette fois ! - répond Pascal. Nous, en tant que Bulgares, ne sommes pas responsables du SIDA !

- Où c'est écrit ? - dit Yérémia en se tordant le coup.

- Ici ! - lui montre Pascal. Un Congolais a pour la première fois développé la maladie. En Afrique. En mille neuf cent cinquante neuf.

- Reuters ! - lit Yérémia. Donc, nous ne sommes vraiment pas responsables ?

- Oui, mais c'est écrit avec un certain regret, dit Pascal. - Ils se retiennent à peine d’ajouter que le Congolais a été étudiant en Bulgarie et que c'est ici qu'il a été contaminé.

- En cinquante neuf il n'y avait pas d'étudiants étrangers ici! dit Miro. Alors, c'est quoi ce Congolais ?

- Ce n'est pas parce qu'il n'y en avait pas qu’ils n’en parlent pas, dit Pascal, mais parce qu'on examine une meilleure possibilité : qu'un médecin bulgare soit à la base de l'expansion mondiale de la maladie. Et que c'est lui qui a contaminé tout le continent africain. En commençant par les singes.

- J'étais sûr, cependant, qu’il y a une chose au moins dont nous ne sommes pas responsables! Il n'est pas dans les possibilités humaines, ni même dans les nôtres, d'être toujours responsables de tout.

- C'est vrai - dit Miro. Il est impossible d'organiser des attentats contre le Pape et de retourner en même temps le courant du phénomène El Nino[2] contre l'Amérique. Même nous, nous ne pouvions pas réussir partout...

- Une bonne nouvelle qui vient juste à temps, dit Pascal. Nous ne sommes pas vus d'un très bon œil parce que on ne nous pardonne pas le fait que nous traitons mal nos ours et que nous voulons produire notre électricité nous-mêmes.

- On pourrait aussi dresser un rideau de fer à cause des escargots ! - dit Yérémia. Parce que nous les ramassons en période de reproduction.

Les trois hommes boivent leur rakia.

- Ce qui est bien, est bien - dit après cela Yérémia. Il peut venir à l'esprit que si nous ne sommes pas responsables du SIDA, il n'est alors pas impensable que nous soyons innocents de quelque chose d'autre aussi. Au moins quelqu'un pourrait l'admettre.

- Naturellement qu'on pourrait l'admettre. Une telle nouvelle améliorerait notre image négative !

- Il se peut qu'on décroche du coup un investissement quelconque ! dit Miro.

- Et qu'on vende une ou deux entreprises ! - rajoute Yérémia. Et même relancer le tourisme !…

- Sans parler, dit Miro, de l'effet positif que cela peut avoir sur le lamentable moral de notre nation !…

Pascal, lui aussi se réjouit, mais il préfère sagement attendre le journal de demain pour voir s'il n'y aura pas un rectificatif.

Et si, du coup c'est encore nous, les Bulgares qui soyons les coupables...


Remarques

[1] Je dédie la traduction de ce texte prémonitoire au médecin et aux infirmières bulgares emprisonnés en Libye depuis 5 ans pour avoir «contaminé le continent africain par le SIDA»

[2] El Nino est un phénomène climatique dont l'importance a été récemment mise en évidence.

Traduit du bulgare par Guenoveva Beaufils

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