Le syndrome de Stockholm
Pascal pense avoir atteint le nirvana : résultat de deux pichets de vin nouveau et le fait que sa femme est chez sa mère. C'est à ce moment que Yérémia arrive. Il a l'air inquiet et semble intrigué…
– Le cochon veut m'embrasser! - déclare-t-il dès l'entrée. Je ne sais plus ce qui lui prend.
– Lequel ? - demande Pascal en lui versant du vin. Celui que tu vas saigner la semaine prochaine ?
– Le même - dit Yérémia buvant d'un coup le verre de vin. Il n'arrête plus de m'embrasser !
– Depuis quand ça ?
– Une bonne quinzaine de jours déjà - répond Yérémia. Il a commencé le jour de la fête des Yordan. Et ne s'est plus s'arrêté depuis.
– Eh oui - dit Pascal. Il a fini par t'aimer.
– Mais qui ça ? Le cochon ?!?!
– Le cochon, lui-même - dit Pascal. Syndrome de Stockholm !
– Comment de Stockholm ? - dit Yérémia. Je l'ai acheté à Berkovitza !
– Peu importe où tu l'as acheté - répond Pascal. Il t'aime parce que tu es son bourreau.
– Moi, bourreau ?!?! - se vexe Yérémia.
– Tu vas le saigner, oui ou non ? - dit Pascal.
– Oui d'accord, je vais l'égorger, lui répond Yérémia. Et il se peut bien que je sois un saigneur, mais je ne suis ni un égorgeur, ni un bourreau.
– C'est une question de terminologie - le rassure Pascal. Tu es le bourreau et lui il est la victime.
– Victime, mais quelle victime ?!?! - s'acharne de nouveau Yérémia. C'est un cochon, un point c'est tout ! De quelle victime me parles-tu ?!?!
– Je t'explique le syndrome de Stockholm - continue Pascal. Il apparaît quand les choses commencent à trop traîner, comme c'est ton cas. Il y a combien, plus de deux mois que tu t'apprêtes à le saigner, ce porc ! Et si le bourreau et la victime vivent ensemble, la victime finit par éprouver de l'amour envers son bourreau.
– Alors ce n’est pas à moi de choisir le moment où je vais le saigner ? - demande Yérémia écumant de rage.
– Bien sûr que c'est à toi de décider, mais tu ne peux pas l'empêcher de t'aimer - lui répond Pascal.
– Ca alors, s'exclame Yérémia, quand tu saignais ton porc, c'étaient des côtelettes et du coup, c'est une victime ?!?!
– Mon cochon ne m'a jamais aimé - lui dit Pascal. C'est parce que je l'ai immédiatement égorgé. Il n'a pas eu le temps de s'assumer comme victime. Il a péri tout bêtement comme un cochon !
Yérémia se met à réfléchir.
– Tu dis que la victime finit par aimer son bourreau ? - demande-t-il peu après.
– Absolument !
– Alors voilà la raison pour laquelle j'aime ma femme ! - constate Yérémia.
Alors c'est Pascal qui se met à réfléchir.
Traduit du bulgare par Guenoveva Beaufils