Instant au musée de l'Homme
Masques!
Masques divins du musée de l'Homme!
Masques d'Afrique et d'Océanie,
Masques de la Terre de Feu et de Ceylan,
Masques d'Asie et de l'Alaska.
Masques des koukers de la Thrace au printemps.
Masques impénétrables des Dogons.
Masques de dieux multicolores.
Ou bien, peut-être, masques éparpillés des hommes
par Dieu à jamais oubliés ...
Mon Dieu!
Je contemplais sans fin ces masques
dans les puits inépuisables de la vie,
dans les cadrans solaires des Aztèques,
dans les légendes pétrifiées,
dans le tourbillon de signes cosmiques.
Je regardais autour de moi pour découvrir mon visage.
J'allais, étourdi comme Alice,
dans les labyrinthes de l'antimonde spectral.
Je cherchais la vérité,
la vérité,
cette vérité,
enfant illégitime de notre siècle hypocrite,
accoutumé à l'insolence de boire sans payer.
Avant de partir avec un nouveau masque ...
J'ai payé
et je suis entré au musée de l'Homme.
Pour tomber sur le concile œcuménique
des divinités
qui ont abdiqué dans l'éternité.
Pour étreindre leur voix d'outre-monde,
entremêlées dans un choral étincelant de songes et de religions.
Toi qui as fermé jusqu'à ce jour les yeux des morts,
bien venu à notre rite sacré.
Aujourd'hui les morts devront t'ouvrir les yeux.“
Et j'ai vu
(mon cœur s'est apaisé brusquement,
boussole
à l'aiguille arrachée),
la vérité courait dans les couloirs
(est-ouest, noir-blanc, nord-sud,
l'aiguille pointue sifflait
de ses ailes d'hirondelle terrifiée),
la vérité jouait à cache-cache avec moi
(amer et amour,
ô mort,
éclair éblouissant,
lueur subite
sur le visage des dieux éveillés,
pour que je pénètre, un instant fugace,
le sens magique de l'invisible).
Et la vérité, comme un galopin,
glissait un œil derrière les masques ...
Si vous ne me reconnaissez pas,
c'est que
j'ai volé un masque
au musée de l'Homme,
pour rôder parmi vous, comme une vérité.
J'ai oublié mon visage là-bas,
à Paris,
au musée de l'Homme ...
traduit du bulgare par Marie Vrinat