Randonnee
Elles marchaient en rang –
louchant, riant, boitant –
pour goûter la paix
et la soupe des moines.
Il n'y avait que des femmes
venant de l'enfer, Seigneur,
avec des robes d'étoffe poussiéreuse
la peau rasée, bleuie.
Tel un cabot enchaîné
le garde criait, hargneux,
comme si c'étaient des brebis
qui allaient paître au paradis.
C'était un jour de fête
et la vie éclatait de santé,
comme un jeune paysan
gaspillant le bien paternel.
Le regard baissé, en justes,
toutes chaussées de tennis blanches,
elles traversèrent en rang sans bruit
la cour du monastère.
Il y avait plein d'enfants…
Lorsqu'elles tournèrent vers le temple,
comme une rosée d'été,
elles s'enivrèrent de leur brouhaha.
Et devant Dieu le seigneur
plus rouges que la glaise elles se turent:
qu'il leur donne l'amour
et les rappelle enfin des ténèbres.
Elles étaient toutes toquées.
Mais l'une monta en chaire
et les mains étendues
elle loua l'ordre et la loi.
Debout près de l'entrée,
une autre dans la niche dormait, bienheureuse,
et rêvait qu'elle arrachait
avec un clou les yeux de Dieu.
Traduit du bulgare par Marie Vrinat